La Belle Province est la championne toutes catégories de l’union libre au pays. Quelles sont les conséquences sur le partage du patrimoine financier lorsque le couple se sépare ?
Le mariage, une institution dépassée ? Au Québec, il offre pourtant certains avantages favorisant l’équité entre les partenaires en cas de divorce depuis 1989. La province s’était alors dotée d’une loi pour s’assurer que les ménages puissent répartir leurs avoirs en parts égales au moment de rompre le mariage.
La professeure au Centre Urbanisation Culture Société de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) Hélène Belleau affirme d’entrée de jeu que, si les Québécois et Québécoises préfèrent être conjoints de fait plutôt que de se marier, ils ne le font pas en toute connaissance de cause. Quelque « 50 % [des couples qui le sont] pensent qu’être en union libre, c’est pareil que d’être marié », soutient cette spécialiste des questions de couple et d’argent. Or, ce n’est absolument pas le cas…
Hélène Belleau et sa collègue Maude Pugliese, également professeure à l’INRS, s’intéressent à l’accumulation et à la distribution du patrimoine au sein des couples non mariés. Elles cons-tatent que, dans les couples hétérosexuels, les femmes ont tendance à être désavantagées tant au sein du couple qu’au moment de répartir le patrimoine lors de la séparation.
C’est bien souvent au moment de la rupture qu’elles apprennent à la dure que le droit québécois ne traite pas de la même façon les couples mariés et non mariés. Effectivement, à moins d’avoir un contrat de vie commune – ce que très peu de gens ont –, les biens et avoirs seront répartis en fonction de qui a payé quoi. Et à condition d’avoir encore la facture !
Hélène Belleau remarque que l’homme a souvent davantage les moyens de payer la maison, en raison d’un salaire plus élevé, tandis que la femme se charge des dépenses courantes, comme l’épicerie. Monsieur repart donc avec la maison, alors que « Madame repart avec ses sacs d’épicerie vides », souligne Hélène Belleau.
« La propriété individuelle est également plus commune chez les couples à revenus inégaux, car cet arrangement permet à la personne gagnant le plus haut revenu de couvrir les coûts d’habitation sans transférer de richesse à l’autre partenaire », écrivaient les deux chercheuses dans une étude publiée en 2022 dans la Revue canadienne de sociologie. Chez les couples mariés, la résidence constitue un patrimoine familial et appartient donc obligatoirement aux deux partenaires.
Depuis la médiatisée cause d’Éric contre Lola, en 2013, rien ne s’est concrétisé en matière de droit familial au Québec, contrairement à ce que laissait entendre la classe politique à l’époque.
Maude Pugliese, qui est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en expériences financières des familles et inégalités de patrimoine, avance que l’une des solutions pourrait être de doter les couples en union libre des mêmes droits que ceux des couples mariés après trois ans de vie commune ou dès qu’il y a des enfants.
Elle croit par ailleurs que le manque de volonté politique de changer le droit de la famille traduit une déresponsabilisation vis-à-vis du sort socioéconomique des individus. « Le patrimoine, c’est important pour la santé individuelle quand on le laisse être important. On a besoin d’un patrimoine privé quand on est dans une société qui s’attend à ce qu’on se débrouille soi-même. »
Illustration: Sophie Benmouyal