À l’Université du Québec à Rimouski, la recherche tend la main aux personnes proches aidantes.
Les personnes proches aidantes se donnent corps et âme. Mais ont-elles assez de ressources pour soutenir à la fois leur santé mentale et leurs proches ?
La chercheuse Marie-Hélène Morin étudie la question et constate malheureusement que tout n’est pas rose. « Lorsqu’on fait des recherches, on fait passer des questionnaires aux personnes proches aidantes, et c’est à ce moment-là qu’on peut témoigner de leur détresse ; on la sent vraiment, raconte la professeure au Département de psychosociologie et travail social de l’Université du Québec à Rimouski. On voit clairement des signes d’épuisement et une santé mentale affectée. »
Comment comprendre le rôle que joue une personne proche aidante ? C’est un peu comme si son travail commençait à la 25e heure de la journée : lorsque les services ne peuvent plus aider ou qu’ils sont fermés. C’est là que la personne proche aidante devient essentielle à un proche dans le besoin, que ce soit une personne âgée ou un individu avec un trouble du spectre de l’autisme ou un problème de santé mentale. Cette charge s’ajoute souvent à son emploi. Les personnes proches aidantes représentent près de 30 % de la population active au Canada.
« Je pense qu’on les tient pour acquises et qu’on s’appuie collectivement sur ces personnes qui vont toujours être là pour prendre soin des plus vulnérables de notre société. Elles vont continuer à le jouer, leur rôle, mais à quel prix ? Et surtout, dans quel état de santé ? » se questionne la chercheuse.
Des difficultés à géométrie variable
Plusieurs facteurs jouent sur la santé mentale des personnes proches aidantes, selon les études effectuées par Marie-Hélène Morin. En premier : la disponibilité – ou le manque – de ressources pour aider leurs proches. En milieu rural, les services de soutien dédiés aux proches aidants ne sont pas toujours offerts à proximité. La personne qui aide doit donc se déplacer, ce qui ajoute des heures au compte déjà élevé du temps consacré à son proche.
Savoir se reconnaître comme proche aidant permet en outre de prendre conscience que des ressources nous sont offertes. « Il faut que les intervenants qui soutiennent les personnes en situation de vulnérabilité (personnes âgées ou vivant avec un problème de santé mentale ou un trouble du spectre de l’autisme, etc.) aient le réflexe de reconnaître que la réalité que vivent les familles est de la proche aidance et que des ressources spécifiques s’adressent à elles », soutient la chercheuse.
Un autre facteur : l’isolement social, qui entraîne une charge mentale élevée. Ce fut particulièrement le cas pendant la pandémie, alors que l’accès aux ressources habituellement offertes était restreint. D’ailleurs, plus de la moitié des proches aidants (62 %) pensent que leur rôle a moyennement ou énormément fragilisé leur santé globale, d’après une étude réalisée par Marie-Hélène Morin.
Pourtant, il faut assurer son propre bien-être pour pouvoir aider les autres. « C’est comme dans une situation d’urgence en avion : il faut mettre son masque à oxygène avant de mettre celui d’un autre passager, soutient la chercheuse. Et c’est ce que je recommande aux proches aidants : de prendre soin d’eux en premier et d’établir leurs limites pour être capables d’aider leur proche. C’est un réel défi pour les personnes proches aidantes de reconnaître leurs propres limites et de demander du soutien pour elles-mêmes. »
Dans cet équilibre fragile entre sa propre santé mentale et la réponse aux besoins d’autrui se trouve toutefois une valorisation bien réelle. « C’est gratifiant de voir que tu fais une réelle différence dans la vie de la personne aidée », soutient Marie-Hélène Morin.
Illustration: Sophie Benmouyal