Loin d’être inutiles, les résidus de bois profitent d’une deuxième vie en retournant fertiliser le sol des forêts.
Des effluves de bois séché se dégagent du laboratoire d’Ahmed Koubaa, professeur à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Ici, le précieux matériau est étudié sous toutes ses formes : en examinant copeaux, morceaux d’écorce, bouts de bois et cendres avec divers instruments de laboratoire.
Ces données sont importantes pour comprendre comment utiliser les résidus de transformation du bois, en particulier les cendres obtenues après la combustion, qui possèdent une valeur ajoutée pour la fertilisation des forêts. Il s’agit d’un volet phare de la recherche de ce titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la valorisation, la caractérisation et la transformation du bois.
Le Québec génère plus de 300 000 tonnes de cendres par année. « Des usines qui utilisent le bois pour produire de la chaleur font face à un problème : elles accumulent des cendres après la combustion. Généralement, elles en donnent aux agriculteurs, mais elles ne peuvent pas tout écouler », explique Ahmed Koubaa, précisant qu’une bonne partie de ces cendres prend le chemin des sites d’enfouissement.
Pourtant, les cendres de bois sont très riches en calcium et en magnésium, des minéraux nécessaires à la croissance des plantes. Ajoutées au sol, elles le fertilisent et réduisent sa teneur en acidité. Leur épandage, une pratique répandue dans les exploitations forestières d’Europe, est moins fréquent ici.
Deuxième vie
C’est que la pratique comporte des défis. « Les cendres seules peuvent s’éparpiller au vent », fait remarquer le chercheur. Elles ont aussi tendance à être rapidement lessivées par la pluie, d’où l’idée du professeur Koubaa de transformer ces poussières en granules, afin de faciliter l’épandage et le transport de la matière. Ces granules sont fabriqués après plusieurs étapes : humidification, durcissement, broyage, tamisage… Ils sont composés de cendres et d’autres résidus de l’industrie forestière. On ajoute à ce mélange des boues secondaires de papetières, riches en azote, qui servent à lier le tout ensemble, puis on l’analyse pour s’assurer de l’absence de substances dangereuses (comme le mercure).
« Les granules respectent les normes environnementales, et ils ne contiennent pas de produits chimiques », affirme le chercheur.
Les travaux d’une étudiante d’Ahmed Koubaa sur ces granules sont d’ailleurs prometteurs : l’équipe a constaté un effet positif sur « la croissance des arbres » et « la qualité du bois qui en résulte ».
Convaincu du potentiel des résidus de bois, le professeur imagine déjà un autre produit. « On est en train de développer des pots biodégradables avec ces résidus. Cela pourrait remplacer ceux en plastique qui viennent à l’achat d’un arbre en pépinière », espère-t-il. Ce contenant se dégraderait dans le sol, fournissant du même coup à l’arbre toutes sortes d’éléments nutritifs. Un véritable retour à la terre, pour ainsi dire !
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