Si le vaccin BCG peut sembler prometteur pour contrer d’autres maladies, il faut y aller de prudence avant d’établir des corrélations.
«Suis-je vacciné contre la tuberculose ? » Cette maladie a beau ne toucher que de 200 à 280 personnes par année au Québec, c’est une question que se sont posée de nombreuses personnes au début de la pandémie. Et pour cause : plusieurs médias avaient alors relayé les résultats d’études révélant une corrélation entre le taux de vaccination contre la tuberculose par le vaccin BCG (bacille de Calmette-Guérin) et la prévalence de la COVID-19. Plus précisément, les pays qui administrent le plus de vaccins BCG paraissaient mieux s’en sortir que les autres durant les premiers mois de la pandémie.
À première vue, le vaccin BCG semble effectivement être un bon candidat pour protéger contre la COVID-19, car il permet d’activer l’immunité « innée ». « Cette première ligne de défense du système immunitaire est générale, contrairement à la réponse par anticorps, qui est ultraspécialisée », explique Marie-Claude Rousseau, professeure d’épidémiologie à l’Institut national de la recherche scientifique. En stimulant cette première ligne, le vaccin BCG pourrait aider le système immunitaire à mieux lutter contre d’autres maladies que la tuberculose.
Cependant, entre corrélation et causalité, il y a un monde, et la chercheuse l’a bien montré dans ce dossier. Il se trouve qu’elle est la gestionnaire scientifique du registre québécois de vaccination au BCG, qui comprend 4,2 millions de certificats vaccinaux. Son équipe s‘est attachée à vérifier l’hypothèse d’une protection à très long terme contre la COVID-19 en épluchant les dossiers des années 1956 à 1976. Durant cette période, un programme de vaccination contre la tuberculose a été mis en place au Québec, dont ont bénéficié de 40 à 50 % des tout-petits.
Plus de 3 000 personnes nées entre 1956 et 1976 ont ainsi été interrogées entre mars et octobre 2020 : 920 d’entre elles ayant reçu un test PCR positif à la COVID-19 et 2 123 n’ayant pas été contaminées. Pour que les deux groupes soient comparables, l’étude a tenu compte de plusieurs facteurs comme l’âge, le sexe biologique et l’emploi occupé. Le résultat, paru dans la revue Vaccine en 2021, est sans appel : dans le groupe positif à la COVID-19, 54 % avaient reçu le vaccin BCG d’après le registre, tandis que cette proportion s’élevait à 53 % dans le second groupe − une différence minime. Le vaccin contre la tuberculose n’a donc pas d’effet protecteur à long terme contre la COVID-19. De plus, l’étude n’a révélé aucun lien entre le fait d’avoir reçu le vaccin BCG dans l’enfance et le fait d’avoir été hospitalisé en raison de la COVID-19 ou d’en être décédé.
Cependant, cette étude ne portait que sur des individus ayant été vaccinés il y a plus de 40 ans. « Il se pourrait que la vaccination BCG au début de la pandémie ou très récemment ait un effet protecteur », indique la professeure Rousseau. D’autres recherches sont en cours pour examiner cette question.
Prudence, donc, avec les études qui établissent des corrélations. « Elles permettent de formuler des hypothèses, mais il faut poursuivre ensuite avec des études qui sont un peu plus structurées et mieux contrôlées pour voir si ces hypothèses tiennent la route, ajoute la chercheuse. Il est important d’éduquer les gens et de leur expliquer ce que veulent dire les résultats de ces études. »
Une protection contre la COVID-19 n’est pas le seul élément qui intéresse la communauté scientifique quant au vaccin BCG. «Il y a des recherches qui sont conduites aussi sur le diabète, la sclérose en plaques et plusieurs infections, souligne Marie-Claude Rousseau. On en apprend encore sur ce vieux vaccin et sur ses effets non spécifiques. Malgré ses 100 ans, il est encore d’actualité !»
Photo: Marie-Claude Rousseau, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique. Image: Christian Fleury/INRS
La production de cet article a été rendue possible grâce au soutien de l’Institut national de la recherche scientifique.