À l’occasion de son 150e anniversaire, Polytechnique Montréal vous invite à découvrir ses huit pôles d’excellence, dont celui qui concerne les matériaux innovants. Découvrez les autres textes de la série.
Quels matériaux formeront les ordinateurs, les avions, les routes ou même les gratte-ciel de demain ? Tous les polymères et tous les métaux ont des limites, que cela soit en tension physique, en conduction d’électricité ou de chaleur, ou même en transfert d’information. Or, ces limites peuvent être repoussées quand on sait comment réorganiser la matière à l’échelle nanométrique. « Ce que mes collègues, mes étudiants et moi faisons est comme jouer aux Lego avec des atomes, dit à la blague Oussama Moutanabbir, professeur au Département de génie physique. On trouve le meilleur arrangement de molécules possible pour donner des propriétés inédites à un matériau ! »
Les matériaux que tout ce beau monde met au point permettent de s’attaquer à de nombreux types de problèmes. « Des matériaux innovants pourraient d’abord permettre de surmonter des défis d’ingénierie, des structures pour lesquelles on maîtrise la théorie, mais pour lesquelles les matériaux qui permettraient de les concrétiser dans le monde réel n’existent pas encore. Dans d’autres cas, cela permettrait de surmonter des défis de science plus fondamentale, des concepts de la physique qu’on ne comprend pas encore et qui pourraient être élucidés grâce à des matériaux aux propriétés insoupçonnées ! »
Il est aussi question de trouver les matières qui démocratiseront certaines technologies déjà existantes, mais qui coûtent tellement cher qu’on ne les trouve que dans des appareils militaires. « Par exemple, il y a un énorme besoin en caméras infrarouges capables de distinguer des objets dans le noir sans subir les interférences liées à la météo, comme le brouillard, la neige ou la pluie, poursuit le professeur Moutanabbir. Cela est crucial, notamment dans la mise au point de voitures intelligentes. Dans mon laboratoire, on a développé les bases de telles technologies. On doit maintenant régler les problèmes d’ingénierie pour en faire des caméras fonctionnelles et abordables. »
Concevoir des matériaux plus respectueux de l’environnement est aussi un besoin pressant sur lequel travaillent les chercheurs et chercheuses de Polytechnique Montréal. Oussama Moutanabbir s’attaque pour sa part aux défauts des puces électroniques. « L’énergie gaspillée par la résistance des puces électroniques est immense. Un centre de données affilié aux réseaux sociaux perd en chaleur autant d’énergie que ce que produit une centrale au charbon ! »
Pour corriger le tir, il faudrait plutôt utiliser des matériaux qui misent sur la lumière pour le transfert de l’information, un peu à l’image de la fibre optique. « Ce qu’on trouve dans les puces électroniques ne conduit présentement pas la lumière, ça prend donc des nouveaux matériaux qui pourront faire le pont. »
Polytechnique Montréal est l’un des rares endroits où un projet de science fondamentale peut cheminer jusqu’à une application commerciale, conclut le professeur Moutanabbir. Jouer aux Lego peut mener très loin !
Photo en ouverture: le professeur Oussama Moutanabbir. Crédit: Caroline Perron