Dans quelle mesure le stress vécu par les futures mamans affectera-t-il leur progéniture?
Comment la pandémie de COVID-19 affecte-t-elle les femmes enceintes et leur bébé? La réponse se trouverait en partie… dans le placenta! Depuis quelques années, la recherche montre que cet organe est un bon indicateur de l’état de santé à la fois de la mère et de l’enfant. «On dit souvent que, derrière chaque bébé en santé, il y a un placenta en santé», dit Cathy Vaillancourt, professeure au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
Elle s’intéresse au placenta depuis longtemps. Après la crise du verglas survenue au Québec en 1998, elle collabore à des études sur le stress périnatal avec Suzanne King, une pionnière dans ce domaine. Tout comme cette catastrophe naturelle, la pandémie pourrait provoquer du stress chez la femme enceinte et, par ricochet, perturber le développement du fœtus. «Le placenta perçoit les besoins de la mère et du bébé et réagit pour que le fœtus se développe correctement. Tout ce à quoi la mère est exposée sera éventuellement en contact avec le placenta», souligne la chercheuse.
Par exemple, face à une situation stressante, le corps sécrète du cortisol. Cette hormone de stress, qui peut traverser la barrière placentaire, n’a pas que des effets négatifs. Elle est essentielle au développement cérébral du fœtus, entre autres. Le placenta, comme un gardien de sécurité, ne laisse passer que la quantité nécessaire de cortisol et dégrade le reste à l’aide d’une enzyme. «Cependant, lorsqu’il y a un excès de cortisol, l’enzyme ne parvient plus à faire son travail. Cet excès peut dérégler le fonctionnement du placenta et devenir un problème pour le développement du fœtus», mentionne Cathy Vaillancourt, qui ajoute que cette situation, bien que loin d’être idéale, n’est pas nécessairement dangereuse. La durée de l’exposition au stress ou des prédispositions génétiques peuvent moduler les effets.
La chercheuse aimerait comprendre si ces altérations à l’échelle placentaire constituent un risque pour les enfants nés pendant la pandémie de souffrir de certaines maladies à court ou moyen terme. «Parfois, le placenta s’adapte pour protéger soit la mère, soit le fœtus ou les deux. Cela dépend du dérèglement», précise-t-elle.
L’étude du placenta fait partie d’un projet de recherche longitudinal baptisé RESPPA. Lancé en décembre 2020, il a pour but d’examiner la résilience et le stress périnatal. Cathy Vaillancourt y participe avec d’autres chercheuses de l’Université du Québec à Montréal, de l’Université de Montréal et de l’Université Concordia, ainsi que des collègues de l’INRS. Ensemble, ils espèrent recruter 2 000 femmes enceintes et leurs partenaires dans le grand Montréal et quatre autres régions du Québec. Ils devront répondre à des questionnaires qui évalueront leur stress et leurs facteurs de résilience.
Chaque personne réagit différemment face à l’incertitude, rappelle Cathy Vaillancourt. «Plusieurs situations stressantes associées à la pandémie peuvent se présenter : perte d’emploi, confinement, problème de violence conjugale, peur de contracter la COVID-19, etc. Quels moyens ces femmes utiliseront-elles pour passer au travers?»
L’équipe profitera de cette occasion inédite pour comparer les placentas de mères symptomatiques de la COVID-19 avec celles qui sont asymptomatiques ainsi que non infectées. « Nous voulons savoir si le virus affecte ou non le placenta », se questionne la chercheuse de l’INRS. Les résultats de l’étude devraient être connus en 2022.
Photo: La professeure Cathy Vaillancourt, à droite, et les membres de l’équipe de son laboratoire tenant dans leurs mains un placenta en peluche. Photo fournie par l’INRS.
La production de cet article a été rendue possible grâce au soutien de l’Institut national de la recherche scientifique.