«Donner son corps à la science», est-ce encore pertinent au 21 e siècle? Si les avis diffèrent, un constat demeure : pour ces dépouilles, une vie existe au-delà de la mort.
La table en inox attend sous une imposante lampe de bloc opératoire, son contenu dissimulé par un couvercle métallique. Elle jouxte de grandes fenêtres qui offrent une vue en hauteur sur les bâtiments du campus de la santé de l’Université de Sherbrooke. Une légère odeur évoque de lointains souvenirs de dissection des cours de biologie du secondaire.
Claudia Beaulieu et Sonia Paquette, les deux techniciennes du laboratoire d’anatomie, enfilent blouse, gants et masque, puis enlèvent le couvercle de la table : un cadavre à la peau brunie par le temps y est étendu. Elles le recouvrent d’une grande toile bleue qu’elles découpent pour ne découvrir que le tronc et retirent les linges imbibés d’eau et de glycérol qui hydratent les tissus du corps. Elles soulèvent mécaniquement les volets prédisséqués disposés en couches : la peau du ventre, les muscles pectoraux, la cage thoracique. Les organes internes sont ainsi dévoilés.
Tout est prêt pour que des étudiants viennent observer en détail ce corps anonyme. Seule une étiquette apposée sur la table fournit quelques indices : il s’agissait d’un septuagénaire, mort il y a quelques années déjà.
Il avait donné son corps à la science.