Virus de la rougeole en 3D. Illustration: CDC/Alissa Eckert
La rougeole est une maladie hautement infectieuse. Récemment, une dizaine de cas ont été détectés au Québec. Faut-il s’en inquiéter?
Quelle est la situation actuelle? Combien y a-t-il de cas au Québec?
La rougeole est une maladie virale habituellement très rare. « Depuis 2001, lorsqu’il n’y a pas d’éclosions, le Québec enregistre entre 0 et 4 cas de rougeole par année », selon le site de la Santé publique de Montréal. Cependant, depuis quelques jours, les voyants sont au rouge.
En date du 5 mars, on dénombrait une dizaine de cas de la maladie au Québec, dont 7 dans la région métropolitaine. En conférence de presse le 4 mars, le Dr Luc Boileau, directeur national de la santé publique, mentionnait que trois cas auraient été introduits par des voyageurs. « On espère que ces premiers cas n’en engendreront pas d’autres. Toutes les mesures ont été mises en place autour des personnes contacts pour les vacciner, leur donner des immunoglobulines [des anticorps qui protègent contre l’infection] ou les isoler », indique Dre Caroline Quach-Thanh, pédiatre et microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine.
Les autorités sanitaires de la région de Montréal ont publié une liste d’établissements (écoles, hôpitaux, garderies, stations de métro…) où des personnes testant positif à la rougeole auraient circulé. Les personnes qui ont visité ces lieux, aux mêmes heures, pourraient avoir été exposées au virus. « Chaque cas peut générer des centaines de contacts », indique la Dre Mylène Drouin, directrice régionale de santé publique pour la région de Montréal.
La dernière vague d’infections remonte à 2019. « Ce n’est pas encore inquiétant, mais c’est un drapeau rouge. Faisons tout pour que la transmission ne se poursuive pas dans le temps », dit la Dre Quach-Thanh.
Qu’est-ce que la rougeole? Quels sont les principaux symptômes de la maladie?

Un enfant avec une éruption cutanée causée par la rougeole. Photo: CDC
C’est une maladie hautement contagieuse transmise par voie aérienne (toux, éternuement, gouttelettes de salive en suspension dans l’air) et causée par un virus de la famille des Paramyxoviridae. Le taux de reproduction du virus, communément appelé le R0, est évalué entre 12 et 16. Cela signifie qu’une personne malade peut infecter plus d’une dizaine de personnes. Une personne non vaccinée ou n’ayant jamais contracté le virus a 90% de risques d’attraper la maladie au contact d’une personne malade. Le virus peut aussi rester en suspension dans l’air pendant une période de deux heures et rester virulent.
Les symptômes au début de la maladie ressemblent beaucoup à ceux d’autres maladies respiratoires, c’est-à-dire fièvre, nez qui coule, yeux rouges et toux. Au bout de 3 à 5 jours, une éruption cutanée caractéristique survient sur le visage et sur le reste du corps. « La raison pour laquelle il est difficile de contenir une éclosion de rougeole est que souvent, on a manqué les premiers symptômes et il y a déjà transmission du virus, d’où l’importance de rehausser la couverture vaccinale le plus possible pour jouer sur l’immunité de groupe, explique Caroline Quach-Thanh. Si jamais il y a un cas, mais qu’il y a suffisamment de gens protégés autour, la transmission s’arrête », ajoute-t-elle.
Comment traite-t-on la maladie? Quelles sont les complications de la rougeole?
Mis à part le vaccin RRO à titre préventif et dont l’efficacité est de 85 à 95 % après la 1re dose et de plus de 95 % après la 2e dose, il n’existe pas de traitement. On traite les complications résultant de la maladie, qui sont souvent des surinfections bactériennes.
La rougeole peut entraîner de sévères complications. « C’est une cause de mortalité très importante dans le monde. On estime que 128 000 personnes l’an passé en sont décédées », rappelait le Dr Luc Boileau lors de la conférence de presse.
Les bébés et les enfants sont les premières victimes. « Ils ont plus de risques d’être hospitalisés avec des complications. Par exemple, on estime que 1 cas sur 10 développera une pneumonie, 1 cas sur 1 000 une encéphalite, 1 cas sur 1 000 une encéphalomyélite aiguë disséminée [une atteinte du système nerveux central] et 1 cas sur 3 000 en mourra », estime la Dre Quach-Thanh.
Une autre complication sévère est la panencéphalite subaiguë sclérosante, qui peut se déclarer de quelques mois après l’infection à jusqu’à 20 ans après. « L’infection entraîne alors une inflammation et une encéphalite qui évolue irrémédiablement vers la mort », poursuit la pédiatre. La rougeole peut également provoquer une amnésie immunitaire, c’est-à-dire que le système immunitaire est affaibli et perd sa capacité à combattre d’autres virus qu’il était pourtant apte à contrer.
Si l’on a identifié en 1954 le virus qui cause la rougeole, la maladie, quant à elle, est connue depuis des siècles. En effet, elle aurait été décrite dès le 9e siècle et se serait disséminée à grande échelle au 16e siècle.
À quel point la population québécoise est-elle protégée contre la rougeole?
Lors de la conférence de presse, la Dre Mylène Drouin, de la Direction régionale de santé publique du CIUSSS Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, indiquait qu’il y avait un écart de couverture vaccinale entre les régions. La couverture vaccinale nécessaire pour atteindre la fameuse immunité de groupe doit être supérieure à 95%. Cependant, à Montréal, « la couverture vaccinale dans certaines écoles est très basse, aux alentours de 70 à 80% », a-t-elle précisé.
La pandémie de COVID-19 serait-elle responsable de ce faible taux de vaccination? En partie, mais « une proportion de gens n’avaient pas fait vacciner leurs enfants, même avant la pandémie, souligne la Dre Quach-Thanh. Le grand exercice est vraiment de faire le rattrapage vaccinal nécessaire. »
Quelles sont les personnes les plus vulnérables face à la maladie?
- Les bébés et les enfants qui n’ont pas encore reçu le vaccin RRO (vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons). Selon le calendrier vaccinal, la première dose du vaccin RRO est administrée aux enfants à l’âge de 1 an; la deuxième à 18 mois.
- Les personnes ayant un système immunitaire affaibli.
- Les femmes enceintes non vaccinées.
- Les personnes qui ne sont pas correctement vaccinées contre la maladie.
- Les personnes non vaccinées et nées après 1970. Celles qui sont nées au Québec avant 1970 et ayant grandi au Québec ont, en général, déjà eu la rougeole et sont possiblement protégées.
Quelle est la situation dans les autres provinces canadiennes et ailleurs dans le monde?
En date du 5 mars, on compte des cas en Ontario, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les autorités de santé publique sont également sur le qui-vive avec de nombreuses éclosions.

Comparaison entre les différents R0. Dans ce GIF, on voit le nombre de personnes infectées avec trois virus ayant un R0 différent, soit le virus de l’influenza, le virus respiratoire syncytial et le virus de la rougeole. Crédit: Kristen Panthagani