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21 juillet 2021
Temps de lecture : 3 minutes

De patient à partenaire de recherche

Image: Joseph Mucira/Pixabay

La pandémie a été l’occasion de montrer les avantages d’impliquer des patients dans l’élaboration de la recherche clinique.

À une époque où il n’y avait pas de pandémie, des chercheuses du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) commençaient à étudier les risques et les bénéfices de posséder un animal de compagnie pour les personnes qui ont subi une transplantation ou une greffe. On recommande souvent à celles-ci de se départir de leur animal étant donné leur système immunitaire affaibli.

Les deux chercheuses au cœur du projet, Mélanie Dieudé, immunologiste, et Isabelle Doré, professeure en kinésiologie, ont dès le départ souhaité travaillé avec des « patients partenaires ». C’est le nom donné aux malades qui peuvent nourrir la recherche clinique, dans l’optique d’améliorer la qualité des soins. Sylvain Bédard, qui a subi deux greffes du cœur, était du lot.

Quand la pandémie est arrivée, leur projet a bifurqué. Le groupe formé de chercheurs et de patients est finalement devenu un réseau de soutien précieux, au fil de 55 rencontres hebdomadaires sur la plateforme Zoom. Entrevue avec trois protagonistes.

***

Québec Science : Comment s’est transformé le projet de recherche au printemps 2020?

Mélanie Dieudé : Au tout début de la pandémie, on a eu des rencontres avec des patients partenaires partout au Canada. On a senti à ce moment-là qu’il y avait un réel besoin de répondre aux questions provenant de la part de ce groupe de patients immunosupprimés et de leur famille. C’est là qu’est née l’idée de suivre les impacts de la pandémie sur le parcours des patients immunosupprimés, qui sont restreints dans leurs activités quotidiennes, encore plus que la population générale. On a voulu examiner l‘effet de la compagnie d’un animal, mais aussi différents aspects comme la santé mentale et les saines habitudes de vie.

Isabelle Doré : L’idée était de documenter par questionnaire leurs habitudes de vie depuis les débuts de la pandémie de COVID-19. Les participants ont répondu à un long questionnaire où on leur demandait les changements au niveau de l’activité physique, des comportements sédentaires, du sommeil, de la santé mentale, de leur niveau de stress et de leurs symptômes anxieux ou dépressifs. On avait aussi beaucoup de questions au sujet des animaux de compagnie. Ce questionnaire nous a aidés à dresser le profil de 137 participants.

Un an après le début la pandémie, on a décidé de faire un suivi de ce grand questionnaire. Mais cette fois-ci, en plus de documenter les changements au niveau des habitudes de vie et de santé mentale, on a ajouté des questions sur la nutrition et la perception de la vaccination. Les résultats sont en cours d’analyse.

En plus du questionnaire, en avril 2020, nous avons mis sur pied un groupe de discussion, développé avec des patients partenaires et le Programme de recherche en Don et Transplantation du Canada. L’objectif était de tenir des focus group une fois par semaine pour connaître leur quotidien, leurs émotions, leurs comportements, leurs aptitudes, leurs réactions face à la COVID-19. Seize mois plus tard, ce groupe de soutien se rencontrent encore toutes les semaines.

Qu’est-ce qu’un patient partenaire? Un patient partenaire possède une expertise complémentaire à celle d’un professionnel de la santé. Le patient partenaire partage son expérience et sa vision de la maladie, mais il peut aussi apporter une contribution significative dans les études cliniques.

QS : Qu’avez-vous observé sur l’impact des animaux de compagnie et des saines habitudes de vie?

Isabelle Doré : On observe que les gens qui ont un animal de compagnie, en particulier un chien, ont de meilleures habitudes de vie. Ils ont beaucoup moins réduit leur temps de marche ou ont moins réduit leur niveau d’activité physique au quotidien comparativement à ceux qui n’ont pas d’animaux de compagnie. D’après des enquêtes populationnelles, c’est aussi ce que l’on observe dans la population en général.

QS Monsieur Bédard, comment voyez-vous l’inclusion de patients dans la recherche? [Sylvain Bédard a reçu deux greffes du cœur. Une première en 2002, une deuxième fin 2018]

Sylvain Bédard : Le milieu de la transplantation est un monde très médical. Mais maintenant, il y a une ouverture quant à la réalité des patients et des proches aidants où les besoins en santé mentale sont énormes.

Par exemple, le taux de divorce est extrêmement élevé chez les transplantés. On devient une deuxième personne avec la médication. Je suis rendu à 21 pilules par jour, mais certains patients peuvent en prendre jusqu’à 40. Ça se peut que chimiquement, cela cause des problèmes au cerveau.

Je suis donc très heureux de voir la tournure que la recherche prend présentement avec ce projet.

QS : Les besoins des personnes greffées en matière de santé mentale se sont-ils accrus au cours de la pandémie?

Isabelle Doré : Il faut faire de leur santé mentale une priorité. J’ai vu un effet de yoyo au niveau de la santé mentale, autant dans la population générale que dans le groupe de patients. Parfois, il y a des jours, des semaines ou des mois où le moral va moins bien.

Notre groupe de soutien [formé de chercheurs et de patients partenaires] a peut-être atténué ces effets de yoyo. Pendant les rencontres, il n’y a pas eu un seul moment où tout le monde allait mal. Il y avait toujours quelqu’un qui amenait un élément positif lors des moments plus difficiles. C’est là qu’on a remarqué la force d’un groupe de soutien très hétérogène comprenant à la fois des hommes et des femmes de 30 à 70 ans qui proviennent de toutes les professions.

QS : Cette expérience fait-elle en sorte que vous mènerez vos prochaines recherches de façon différente?

Mélanie Dieudé : Je pense qu’on manque d’énormes opportunités si on ne fait pas attention à la voix des patients, de leur famille et du public. On doit, en tant que chercheur, être capable de monter des équipes multidisciplinaires pour répondre à des questions de recherches pertinentes.

Isabelle Doré : Ça fait des années qu’on assiste à des formations sur l’importance d’inclure les patients partenaires. Mais il n’y a rien de mieux que de vivre l’expérience pour le constater. Grâce aux patients partenaires, on a reçu du feedback constructif qui aura un impact sur nos prochaines recherches. J’ai cinq projets de recherche en cours et il y a des patients partenaires dans tous mes projets.

Est-ce que la recherche sera meilleure? Cela dépend à qui vous posez la question. Un chercheur pourrait dire que les essais randomisés sont meilleurs. Cependant, notre étude sera certainement utile; je n’en ai aucun doute. Si on essaie de créer des choses en recherche complètement déconnectées de la réalité, ça ne fonctionne souvent pas ou ça ne répond pas à un besoin.

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