Photo du sanglier (à gauche) datant d’au moins 45 500 ans. Image: Maxime Aubert.
Une œuvre sur des parois rocheuses d’Indonésie serait la plus ancienne peinture rupestre connue, selon l’équipe d’archéologues qui l’a découverte.
Elle était cachée dans une grotte de l’île de Sulawesi, dans une vallée couverte de champs de riz. Cette région est inaccessible en voiture et peu peuplée; seules quatre familles y sont installées. L’archéologue québécois Maxime Aubert, qui fait partie de l’équipe qui a publié cette découverte dans la revue savante Science Advances, raconte que la famille qui habite tout près a été surprise d’apprendre l’existence de cette peinture. « Elle est située pas très loin de l’entrée de la grotte, mais c’est très sombre et on n’y voit rien », explique ce professeur à l’Université Griffith, en Australie. De plus, elle se trouve à l’abri des regards. « Il faut grimper en hauteur pour pouvoir l’apercevoir », souligne Maxime Aubert.
Difficile d’imaginer que cette peinture date d’au moins 45 500 ans. Elle est restée en assez bon état pour qu’on puisse l’admirer aujourd’hui. On y voit trois grands sangliers des Célèbes (une espèce répandue sur les îles indonésiennes) d’une taille d’environ 1 mètre de long chacun. Peint avec de l’ocre rouge, le sanglier de gauche, qui serait le plus ancien, semble observer ou vouloir attaquer les deux autres à sa droite. Un quatrième animal est également présent, mais n’est presque plus visible à cause de l’effritement de la roche.
L’existence de cette peinture fournit des preuves à l’effet que les humains sont passés dans cette partie du monde lors des migrations vers l’Australie, il y a 60 000 à 65 000 ans. « Selon moi, ce n’est qu’une question de temps avant de découvrir des œuvres encore plus vieilles que celle-ci. C’est intéressant de voir que les humains de cette époque pouvaient réaliser ce type de peinture.»
Signe que cette équipe d’archéologues a du flair, elle avait aussi trouvé une peinture rupestre datant d’au moins 43 900 ans dans une grotte de la même région. Cette recherche avait été publiée en décembre 2019 dans Nature.
Datation par l’uranium-thorium
Pour pouvoir dater ce type d’œuvre, les archéologues se servent de la datation par l’uranium-thorium. Cette méthode est couramment utilisée pour dater les échantillons de spéléothème (un dépôt minéral, comme les stalactites, qui se forme dans les grottes) ou de corail. En fait, on date indirectement la peinture sur roche en analysant les couches de calcite successives qui se forment au-dessus de celle-ci au fil des ans. Une mince couche d’un centimètre d’épaisseur pourrait par exemple être le résultat de milliers d’années de dépôts minéralisés.
« L’analyse nous donne des dates minimums. C’est pour ça qu’on peut dire que la peinture date d’au moins 45 500 ans.». La peinture pourrait s’avérer encore plus vieille que 45 500 ans.
Qui sont les artistes derrière cette œuvre?
Était-ce un homme ou une femme? Étaient-ils plusieurs à réaliser cette peinture? Impossible pour l’instant de connaître l’identité du ou des créateur(s). « Il y a souvent des mains en négatif qui accompagnent les peintures. L’artiste broie et mélange l’ocre avec de l’eau et le met dans sa bouche pour ensuite souffler sur sa main. Il y aurait peut-être des traces d’ADN ancien dans la peinture », explique Maxime Aubert.
Il a envoyé des échantillons à un collègue allemand spécialisé dans l’étude d’ADN ancien mais jusqu’à présent, les résultats n’ont pas été concluants. L’archéologue garde tout de même espoir d’en savoir un peu plus sur ces artistes du passé.
Vidéo: A. A. Oktaviana