Une espèce de geckos (Homonota corrida) qui vit dans les régions arides de l’Amérique du Sud. Photo: Ignacio Roberto Hernández
Plus de 21% des espèces de reptiles sont menacées d’extinction d’après une analyse mondiale réalisée sur 10 000 espèces.
Moins populaires que les mammifères et les oiseaux, les reptiles n’en sont pas moins menacés. C’est ce que révèle une analyse parue dans la revue Nature, la première à se pencher sur ce groupe d’animaux au niveau mondial. Elle servira à identifier les régions où les efforts de conservation sont prioritaires.
Pour évaluer le statut des reptiles (vulnérable, en danger, en danger critique), une équipe internationale de chercheurs s’est basée sur les critères de la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Ils ont constaté que 1 829 espèces de reptiles sur 10 196, soit 21,1%, sont menacées d’extinction. Les crocodiles et les tortues sont parmi les animaux les plus menacés.
Cette synthèse indique que les facteurs qui fragilisent les reptiles sont, comme pour les autres classes, « l’agriculture, l’exploitation forestière, le développement urbain et les espèces envahissantes. »
« Une grande partie des reptiles menacés occupent les régions de l’Asie du Sud-Est, de l’Afrique de l’Ouest, le nord de Madagascar et des Andes et les Caraïbes », a indiqué Bruce Young, co-directeur de l’étude et zoologiste en chef à l’organisme environnemental NatureServe lors d’une conférence de presse. Contrairement à ce que les chercheurs croyaient, les reptiles qui habitent les forêts sont plus à risque comparativement à ceux qui vivent dans les milieux arides, comme le désert. Les forêts, qui sont menacées par l’industrie du bois et par la transformation en terres agricoles, deviennent un environnement moins propice aux reptiles.
Des millions d’années d’évolution

La tortue de Madagascar (Astrochelys radiata) photographiée à l’état sauvage à Madagascar. Cette espèce est classée en danger critique d’extinction. Photo: Anders G.J. Rhodin, Chelonian Research Foundation
Comment déterminer les espèces qui doivent être protégées en priorité ? Pour répondre à cette question, les scientifiques utilisent une mesure appelée diversité phylogénétique. Il s’agit d’une mesure de la biodiversité qui ne prend pas uniquement en compte le nombre absolu d’espèces mais aussi la richesse de leur histoire évolutive. La diversité phylogénétique s’intéresse aux changements génétiques ayant été acquis par une espèce au cours de son évolution et permet de prioriser les espèces de reptiles ayant la plus longue histoire évolutive.
« Les gènes conservent la signature de traits du passé, comme la présence de dents ou un comportement différent d’aujourd’hui. C’est en quelque sorte une mémoire génétique », a expliqué Blair Hedges, directeur du Centre pour la biodiversité de l’Université Temple, en Pennsylvanie. « La mesure de la diversité phylogénétique a permis de dresser l’arbre évolutif des reptiles. Nous avons ainsi découvert qu’environ 16 milliards d’années cumulées d’évolution seraient perdues si toutes les espèces menacées disparaissaient », souligne-t-il.
Le chercheur donne en exemple l’iguane marin des Galapagos, une espèce menacée, qui s’est très bien adaptée à la vie marine. « Le reptile a développé ce mode de vie unique sur une période d’environ 5 millions d’années ». La perte de diversité phylogénétique serait plus importante en Asie du Sud-Est, en Inde, en Afrique de l’Ouest et dans les Caraïbes.
Des zones protégées pour tous
Même si certains reptiles ont besoin de mesures de protection ciblées, notamment ceux qui vivent sur les îles, la mise en place de zones de protection globales est bénéfique pour l’ensemble de la faune et de la flore. « Nous avons découvert que la plupart des zones protégées créées pour les oiseaux, les mammifères et les amphibiens ont probablement contribué à protéger du même coup de nombreux reptiles », a expliqué Bruce Young.
Contrairement aux mammifères ou aux oiseaux qui ont une apparence jugée plus sympathique, les reptiles attirent peu l’attention et sont plus souvent négligés par les efforts de conservation.
Le chercheur Bruce Young révèle que cette étude est le fruit de travaux qui se sont étalés sur plus de 15 ans en raison des difficultés pour obtenir du financement, car « les reptiles ne sont pas aussi charismatiques que les vertébrés à poils ou à plumes. »