Bracelet exposé au musée de Czestochowa, en Pologne. Photo: Grzegorz Skowronek/Czestochowa City Hall
Trois bracelets, un anneau de cheville et une épingle en fer, datant des 7e et 8e siècles avant notre ère. Ces bijoux antiques, retrouvés lors de fouilles dans un ancien cimetière polonais, contiennent du fer venu… de l’espace.
En effet, avant que nos ancêtres apprennent à extraire le métal en chauffant du minerai à 1200 degrés Celsius – ce qui marque le début de « l’âge du fer » –, le seul fer utilisable était celui provenant des météorites ! Car le fer a beau être abondant sur notre planète, il n’existe que sous forme oxydée. Certaines météorites, cependant, sont riches en fer métallique, qu’on peut récolter et travailler… si on a la chance de voir une météorite tomber dans sa région.
Plusieurs centaines d’objets en fer météoritique ont été recensés dans le monde, dont le plus célèbre est une dague richement décorée du tombeau de Toutankhamon. C’est leur teneur élevée en nickel qui trahit leurs origines extraterrestres : « le fer des météorites contient entre 5 et 15 % de nickel, alors que le fer terrestre n’en contient que 0,2 % », explique le géochimiste Albert Jambon, professeur émérite à Sorbonne Université et premier auteur de l’étude publiée dans Journal of Archaeological Science: Reports.
Hormis en Grèce, on n’avait jamais trouvé en Europe le moindre objet en fer météoritique. « On ignorait si c’était parce qu’ils avaient été détruits – le fer se conserve mal dans les régions humides – ou pour des raisons culturelles », poursuit l’expert, qui a collaboré avec une équipe polonaise. La trouvaille démontre que les peuples de cette région s’intéressaient eux aussi aux météorites.
L’analyse a été réalisée par microscope électronique et rayons X pour ne pas détruire les artefacts. Elle révèle la présence de fer issu d’une météorite locale, mélangé à du fer métallurgique (raffiné par l’humain) importé d’ailleurs. « [Les deux métaux n’ayant pas la même couleur], nous imaginons que c’était fait dans un but décoratif, dit Albert Jambon. Si c’est bien le cas, on a affaire à des artisans tout à fait habiles ! »
Étant donné que les tombeaux ne contenaient ni or, ni argent, ni pierres précieuses, l’étude conclut aussi qu’on n’a pas affaire à des sépultures royales. Pour ce peuple, le fer météoritique avait donc perdu la grande valeur symbolique qu’on lui attribuait plus tôt dans l’histoire.
« Et si le fer était lui-même un marqueur de statut ? » demande l’archéométallurgiste québécois indépendant Louis-Olivier Lortie, spécialiste de l’âge du fer. Les météorites sont assez peu communes, et le fer métallurgique importé devait avoir une certaine rareté…