Le Stradivarius Leonora Jackson. Image: Wikimedia Commons
Pour évaluer l’âge et l’origine d’un violon ancien, les experts peuvent se servir de la dendrochronologie, ou l’art de compter les anneaux.
Le célèbre luthier italien Antonio Stradivari a fabriqué au moins 1 000 instruments à cordes dont plusieurs sont des violons réputés pour leur son exceptionnel. Aujourd’hui, on estime qu’il en resterait environ 500 à travers le monde, certains valant des millions de dollars. Les Stradivarius sont authentifiés par des experts qui savent entre autres reconnaître leur couleur et leurs vernis caractéristiques, la signature du créateur, l’apparence, etc.
Une façon moins connue d’authentifier un violon ancien est l’utilisation de la dendrochronologie, qui analyse notamment la largeur et la densité des anneaux de croissance d’un arbre. Cette technique permet de dater le violon en comptant les anneaux de croissance du bois utilisé pour sa fabrication et en le comparant avec d’autres arbres ayant poussé à la même époque. En effet, les arbres d’une même région possèdent un « patron » similaire d’anneaux de croissance. Le dernier anneau de croissance trouvé sur un violon représente ainsi la période à laquelle il a été fabriqué.
« On est certain avec la dendrochronologie que le violon a été fabriqué après l’âge obtenu par le dernier anneau de croissance formé et pas avant. Si l’on détermine que le dernier anneau de croissance du bois du violon a été formé dans l’année 1738, il est ainsi impossible que le violon ait été fabriqué dans l’année 1338 », explique Paolo Cherubini, chercheur à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, en Suisse. « On m’a demandé en tant qu’expert d’estimer l’âge d’un alto de grande valeur fabriqué par Gasparo da Salò qui datait du 16e siècle et valait 250 000 euros. Mais on a découvert que l’alto correspondait parfaitement aux années 1800 et qu’il n’a donc pas été fabriqué par Gasparo [qui est mort en 1609] », raconte le chercheur.
Le dendrochronologiste italien explique que cette méthode reste toutefois imparfaite. « Le bois peut avoir été stocké pendant 100 ans à un endroit avant qu’un luthier l’utilise ou encore, un artisan aurait pu prendre le bois d’une très vieille église pour fabriquer un instrument », illustre-t-il.
Paolo Cherubini indique que la dendrochronologie est un outil complémentaire aux autres méthodes d’authentification. Il a d’ailleurs publié un article à ce sujet dans la revue Science en septembre dernier pour démontrer le potentiel et les limitations de la dendrochronologie.
Si Paolo Cherubini, qui travaille principalement sur l’écologie forestière, n’a pas eu l’occasion de tenir entre ses mains un Stradivarius, il se plaît à dire qu’il possède un point en commun avec le célèbre luthier. « Mon sujet d’études doctorales portait sur Fiemme Valley, la forêt même où l’on raconte que Stradivari allait se promener pour sélectionner son bois. »
La communauté des anneaux
Il y aurait environ 1 000 dendrochronologistes à travers le monde. « On s’appelle entre nous The Tree Rings family! » s’exclame le chercheur italien. Lorsque ces experts recueillent des données, ils les rapportent dans l’International Tree-Ring Data Bank, qui est la plus grande banque d’archives d’anneaux de croissance. « On a ainsi des milliers de données provenant des États-Unis, de la Sibérie ou de la Chine », indique Paolo Cherubini. Ces données peuvent servir pour vérifier l’âge d’un violon mais elles sont utilisées en grande partie par les chercheurs qui veulent reconstituer le climat passé. Les anneaux de croissance indiquent l’âge d’un arbre, mais ils révèlent aussi l’histoire climatique. « Ce sont des mesures très importantes, car on peut reconstruire le climat des mille dernières années. Cela s’avère très important pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat notamment », ajoute le chercheur.