Boucar Diouf
Océanographe, conteur et humoriste«Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche.» Quand j’ai commencé mon baccalauréat en biologie, en 1986, cette citation était très populaire dans les facultés de science. À cette époque, je pensais qu’un chercheur n’avait que deux façons d’exprimer ses émotions: pleurer quand il n’obtenait pas sa subvention, et rire quand son collègue perdait la sienne.

Le reste du temps, ce chercheur qui cherche semblait s’enfermer dans son laboratoire pour explorer de façon compulsive un sujet si pointu qu’il menait inévitablement à une forme d’analphabétisme par défaut d’interlocuteur. Quand on a passé la majeure partie de sa vie à s’intéresser uniquement aux protéines de nucléation de la grenouille des bois, trouver un partenaire dans un souper pour échanger sur le sujet devient un casse-tête! Je n’avais pas encore les pieds dans la science que je la trouvais déjà trop sérieuse et que je voulais l’humaniser à ma façon. Un jour, nous avions rapporté d’une expédition en mer des invertébrés benthiques afin de les identifier. Incapable d’associer une signature binomiale à la moitié des animaux qui flottaient dans mon pot de formol, j’avais eu la bonne idée de regrouper les espèces non identifiées dans une grande famille: la famille des «aucunidées».