Je suis allé aux Boules, en Gaspésie. Pourquoi s’arrêter aux Boules, me demanderez-vous?
À cause du fleuve et de ses grandes marées, des îlots battus par les vagues du temps, des goélands à manteau noir trouant le brouillard blanchâtre des petits jours marins. À cause des roches orphelines que les errances ont menées sur ces plages ingrates, grosses boules dispersées comme des jouets par un géant de glace qui se serait amusé, jadis, à les transporter dans ses poches avant de les jeter pêle-mêle sur la grève.
En face des Boules, on devine les épaves qui dorment et rouillent au fond de l’eau. On distingue les fantômes des goélettes et les silhouettes d’anciens pêcheurs. On verrait presque, sur la côte, l’humble beauté du vieux bâti, les épinettes giflées par les rafales de l’hiver, les pruches penchées dans le sens de la lune.
Ces images, on les aperçoit surtout sur les murs des poissonneries. En vérité, l’histoire a pris un autre cours. Le passé de cet estuaire n’a pas rempli les promesses de ses plus belles marées; la côte s’est esseulée, prise dans les filets de la pauvreté et de l’«ennuyance». Seuls les villégiateurs Canadiens anglais et Américains ont reconnu la beauté primitive de ces âpres paysages; ils ont cultivé le sacré cambrien et la saine dureté des lieux.