C’est bien la forêt de Hearst que je vois, couchée dans la cour d’une gigantesque scierie – le panorama depuis ma chambre du Companion Hotel-Motel. Il y a là des arbres et des arbres, au moins un kilomètre de troncs maigres, juste assez larges pour faire des
deux par quatre, des millions de corps d’épinettes noires épluchées et empilées, vision apocalyptique d’une pile de bâtonnets qu’aurait collectionnés un géant pour s’amuser.
Les immenses grues nourrissent la scierie avec des paquets de billots qu’elles tiennent dans leurs grosses pinces comme s’il s’agissait de fétus de paille. Les moulins sont des ogres, jamais repus ; les scies mangent la forêt. Cette usine fabrique aussi des copeaux, elle recycle le bran de scie et autres débris, cela fait des files et des files de camions-remorques qui attendent de se faire remplir, l’un après l’autre, par les payloaders, cela fait des voyages et des voyages de camions de copeaux. Cent cinquante personnes, 150 seulement, suffisent pour faire rouler cette machine infernale.