J’aime bien parcourir en voiture les 1 200 km qui me séparent de Havre-Saint-Pierre. La route 138 a un je-ne-sais-quoi qui vous replace les idées. Ce pèlerinage est dur pour les excités, les impatients et les pressés. D’abord, il faut affronter l’extraordinaire platitude de la route 20 pour combler l’inaltérable écart qui sépare Montréal de Québec. Puis, au-delà de Sainte-Anne-de-Beaupré et des battures, on atteint le pied de la grande côte. La voiture décolle alors comme un avion qui s’envole, le museau vers le ciel; le fleuve sur la droite, les montagnes sombres sur la gauche.
Commence le jeu des montées et des descentes, dans les décors assez relevés du comté de Charlevoix. Nous traversons l’ancien pays des Fraser, des Murray et autres riches Écossais qui n’allaient pas ignorer la valeur de si beaux décors. Je croirais voir le fantôme de Pantaléon Bouchard, grand cultivateur s’il en est un, le parangon des habitants de ces robustes paysages. Puis, nous allons vers Tadoussac, le Tsheshagut des Innus, où je revois Samuel de Champlain et François Gravé, le 27 mai de l’an 1603, réunis avec Tessouat l’Algoumequin, Anadabidjou l’Innu et Ouagimou, l’Ouolostogiuk.
La route entreprend de suivre le cordon de la côte basse. Défilent Les Bergeronnes, Bon-Désir, Les Escoumins et Essipit, ainsi que Pessamit et le pays des Papinachois.