À Huberdeau, j’ai un voisin romantique, nostalgique, respectueux de l’histoire et du patrimoine. Il aime sa famille, la forêt, le village, la rivière, les chevaux et les vieilles machines. Ce sont des amours simples à comprendre. Mon voisin vient de s’acheter un Bombardier snowmobile B12 de l’année 1948. C’est une bête à chenille, avec de gros yeux ronds, un curieux insecte qui laisse dans la neige des traces de mastodonte, un véhicule original qui a marqué aussi brièvement que profondément l’histoire du Québec territorial. Il a charrié la poste, le médecin de campagne, le prêtre de l’extrême-onction, il a conduit les enfants à l’école; ils sont nombreux les Abitibiens, les Gaspésiens, les Mauriciens, les gens du Lac-Saint-Jean, du Saguenay et de la Côte-Nord à garder un souvenir attendri des «snow» qui ont sauvé tant de vies et établi des ponts entre les villages isolés dont on ne pouvait sortir en hiver, à cause des chemins bloqués par des murs de neige.
Je serai toujours surpris de constater à quel point nous sommes collectivement incapables de générer un discours mythique qui se tienne quand il s’agit de magnifier notre propre réalité historique. Musée modeste, mini-série, nous avons fait quelques pas sur le sentier de la reconnaissance du phénomène Bombardier. Mais nous sommes loin du compte au chapitre du retentissement symbolique, de la commémoration, du souvenir.