La mémoire de la pierre s’apparente à celle de l’eau. Le bruit de la vague qui se brise surla falaise est une musique aussi ancienne que celle du vent quand il siffle en butant contrele roc cambrien. Le mot «Bergeronne» fait référence à une berge haute, c’est le mot qu’utilisera naturellement Champlain lorsqu’il désignera le lieu, sur la Côte-Nord, en 1603. Cette façade contemple la mer depuis toujours; elle était là avant l’arrivée des Appalaches de l’autre côté du grand fleuve. Hautes berges, vous qui regardez la mer depuis un milliard d’années, qu’en dites-vous ?
Les Amérindiens ont toujours aimé l’endroit, ils ont planté leurs tentes de Bergeronnes la grande à Bergeronnes la petite, à Bon Désir, à Pupunapi, «là où l’eau ne gèle pas». Saumons, loups marins, fruits sauvages, les Tadoussaciens passaient de beaux étés aux environs des Bergeronnes. Ils ont connu les baleiniers, les explorateurs commerçants, les vieux Basques, les vieux Français et les anciens Canadiens. De la mer jusqu’au lac Gorgotton, de la rivière aux Ours jusqu’au Saguenay, du Saguenay jusqu’à la rivière Manicouagan, ils ont tracé leurs chemins. Ils ont dessiné sur la surface de la pierre, au fil de l’eau, des pictogrammes aussi mystérieux que précieux, la représentation des esprits qui vivent dans la roche.