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16 avril 2025
Temps de lecture : 2 minutes

Politique : les décisions des élus ne sont pas meilleures que celles du public

La salle de l’Assemblée nationale, à Québec. Photo: Wikimedia Commons

Les politiciens et politiciennes prennent-ils les décisions les plus judicieuses pour la société?

Pour le savoir, des scientifiques québécois en ont invité plusieurs à participer à une simulation dans leur laboratoire de l’Université Laval, à Québec. Au total, vingt députés et conseillers municipaux (en poste depuis au moins 13 mois) ont accepté de se prêter au jeu, littéralement.

Les cobayes ont joué à Democracy 3, un jeu de stratégie dans lequel ils personnifiaient un ou une chef du gouvernement. Leur mission : diriger un État pendant un mandat de quatre ans, de l’élection jusqu’au scrutin suivant, en prenant des décisions dans divers domaines comme la santé, l’éducation, la sécurité publique, l’économie… Par exemple, si une politique est mise en place, quel sera son effet à court terme sur le taux d’intérêt, l’inflation, le chômage? Et à plus long terme, quelles seront les conséquences sur les petites entreprises ou le secteur de l’éducation? Chaque décision a un possible impact sur un sous-groupe de la population.

Cette expérience a permis de mesurer la performance de chaque joueur au bout de 45 minutes de jeu qui se termine avec un verdict : battu ou réélu. « Notre objectif était d’analyser la prise de décision politique chez les élus en exercice, tant à l’Assemblée nationale qu’au niveau municipal », explique Benoît Béchard, chercheur en psychologie et auteur principal de l’étude publiée dans la revue Cognitive Processing.

Benoît Béchard, chercheur en psychologie à l’Université Laval. En arrière-plan, on aperçoit le jeu ainsi que les différentes variables que le joueur peut modifier. Photo fournie par le chercheur.

Le jeu, c’est sérieux

Les résultats obtenus par les élus ont ensuite été comparés à ceux obtenus par 33 citoyens et citoyennes, qui faisaient face aux mêmes défis et prises de décisions. Un troisième groupe virtuel a aussi été créé à l’aide de 200 séries de décisions générées aléatoirement.

Comment s’en sont sortis les élus? Les politiciens et politiciennes, qui ont habituellement une meilleure connaissance des enjeux politiques au quotidien, performaient légèrement mieux que les volontaires non élus.

« Les performances étaient équivalentes entre le groupe d’élus et le groupe de citoyens. Pourtant, les élus interrogés déclaraient avoir une bonne connaissance de la politique et une expérience concrète : plusieurs mois d’activités parlementaires, des débats en commission, une maîtrise des procédures… Bref, des gens bien outillés. Et malgré tout, leurs résultats ne se démarquaient pas clairement de ceux du grand public », note Benoît Béchard.

Mais rassurons-nous : l’étude démontre que les élus prennent de meilleures décisions politiques que le troisième groupe virtuel généré au hasard…

Les limites de la cognition

Bien que l’étude repose sur un jeu de simulation, Benoît Béchard estime que cela n’amoindrit pas la validité des résultats.

« Le jeu nous permet de solliciter en laboratoire les mêmes processus cognitifs que ceux mobilisés dans le monde réel lorsqu’on prend des décisions politiques », affirme-t-il.

Selon le chercheur, face à des enjeux de société complexes – comme la gestion d’une pandémie et des changements climatiques – la cognition humaine atteint rapidement ses limites. « Personne n’échappe à cette limite cognitive face à la complexité des enjeux du monde d’aujourd’hui », observe-t-il. Bref, cela signifie que notre cerveau a de la difficulté à jongler avec plus de quatre ou cinq variables et à prendre la meilleure décision dans ce contexte. « Au-delà de ce seuil, il est difficile de prévoir ce qui va se passer dans le futur », explique-t-il.

Pour « repousser » le plus possible ce mur cognitif, Benoît Béchard propose que les membres de la sphère politique soient formés sur les biais cognitifs, sur la pensée complexe et sur l’art d’anticiper les conséquences pour comprendre comment le cerveau traite l’information, ou la déforme.

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