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Coder de façon écolo aiderait à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Est-ce une véritable tendance dans le monde numérique?
Regarder des films à la chaîne sur Netflix, assister virtuellement à ses cours, rester en contact avec ses proches grâce à FaceTime… Pandémie oblige – ce n’est guère surprenant – notre consommation numérique a explosé. Ces activités consomment des données et, par ricochet, génèrent du dioxyde de carbone (C02), ce gaz à effet de serre dont on doit réduire les émissions pour limiter les changements climatiques. On estime qu’une simple requête dans le moteur de recherche Google émettrait entre 1 à 10 g de C02. En 2020, un groupe de chercheurs dirigé par Mohamed Cheriet, de l’École de technologie supérieure (ETS), évaluait que les technologies de l’information et de la communication «sont responsables de 4 % des gaz à effets de serre (GES) produits par l’activité humaine, soit un peu plus que l’industrie aéronautique mondiale».
Parmi les pistes de solutions à explorer, il y aurait celle de mieux coder les logiciels, plateformes et applications de tout acabit. On l’appelle programmation verte ou codage vert. Le professeur en génie électrique Kim Nguyen, de l’ETS, souligne que ce n’est pas un nouveau langage informatique, «mais une façon d’optimiser la consommation énergétique d’un programme ou d’une application pour indirectement réduire les émissions de gaz à effet de serre».
Selon Thierry Leboucq, président de Greenspector, une entreprise française qui mesure l’empreinte environnementale du numérique, la programmation verte n’est pas seulement une mode. Impliqué au sein d’une association rassemblant des écoconcepteurs, il a vu s’opérer un changement dans les mentalités depuis une dizaine d’années. «De plus en plus de développeurs veulent faire des efforts pour réduire leur impact sur la planète et intégrer cette dimension dans leur métier lorsqu’ils construisent un site web, une application mobile ou un objet connecté.»
Un exemple d’application très gourmande en données? Tik Tok, populaire auprès des jeunes, télécharge en avance plusieurs vidéos sans que l’utilisateur ne s’en aperçoive. Ce pré-téléchargement offre une meilleure expérience de navigation, permettant de passer d’une vidéo à l’autre sans délai. Cependant, il se pourrait très bien que l’internaute ne regarde jamais ces vidéos qui ont été téléchargées, d’où un «gaspillage» numérique. Thierry Leboucq compare cette situation à un robinet qu’on laisserait ouvert pour remplir un verre, mais qui remplirait au final un bain complet dont on n’a nullement besoin.
Coder vert jusqu’à quel point?
Même si les programmeurs peuvent fabriquer des produits numériques moins gourmands en énergie, en réalité, ces pratiques ne sont pas tant répandues.
«C’est déjà un grand défi d’implanter un programme performant qui répond aux attentes du client. C’est difficilement jouable de demander à une équipe de programmeurs de consacrer une semaine de travail supplémentaire pour optimiser le code afin d’être plus vert», affirme Kim Nguyen.
Au lieu d’améliorer le code, il suggère plutôt d’avoir recours à un «compilateur» plus vert. Le compilateur est une sorte de programme qui transforme le code fabriqué par l’humain pour que celui-ci soit compris par l’ordinateur. «Il y a beaucoup de recherches actuellement qui tentent d’optimiser ces compilateurs. Lorsque le compilateur traduit dans la langue de la machine, il y a moyen de le faire de façon plus verte et d’optimiser ce processus en termes d’énergie», ajoute le professeur Nguyen.
Il faut également tenir compte qu’une programmation plus verte peut vite devenir désuète, car en numérique, les choses évoluent rapidement. «Un produit « écoconçu » ne pourra pas être utilisé ad vitam aeternam. Le numérique n’est pas comme un produit en bois, par exemple, qui est fait pour durer longtemps», souligne Thierry Lebourcq.
Programmer avec une conscience environnementale est loin d’être la seule voie pour diminuer significativement les émissions de gaz à effet de serre. Giulio Antoniol, professeur en génie informatique et génie logiciel à Polytechnique Montréal, s’attend à voir émerger un amalgame de solutions, comme des langages de programmation plus performants et des dispositifs intelligents. Des habitudes de consommation plus responsables pour chacun d’entre nous auraient aussi un effet. «On peut faire mieux côté technologie en programmant des logiciels moins gourmands en énergie, mais je pense que notre attitude, en tant que citoyen, doit également changer.»
Si les consommateurs et les développeurs font partie de la solution, les géants du Web tels que Google, Facebook et Microsoft pourraient également adopter une conscience verte. «Les gouvernements pourraient faire pression pour forcer ces grandes compagnies à suivre cette approche», illustre Kim Nguyen.
Quelques trucs pour naviguer de façon plus verte sur Internet
- Évitez de visionner des vidéos en haute définition.
- Privilégiez l’achat de musique plutôt que l’écoute en ligne.
- Faites le ménage de votre boîte courriel et videz votre corbeille.
- Dans vos courriels, optez pour les liens hypertextes plutôt que l’envoi de fichiers.
- Pour consulter un site Web, tapez directement l’adresse au lieu de passer par un moteur de recherche.
- Les plus curieux peuvent s’inscrire à un événement sur le sujet organisé par Espace pour la vie et l’Université de Montréal