Les données amassées par le jeu Pokémon Go pourraient-elles être détournées à des fins militaires?
Quand Pokémon Go a été lancé en 2016, je suis immédiatement devenue une adepte. Quel plaisir de pouvoir capturer des créatures virtuelles avec mon téléphone partout où je me rendais ! Je l’ai délaissé après ce premier été, mais m’y suis remise lors de la pandémie de COVID-19 – enfin une excuse pour sortir de chez moi ! Si l’application ne suscite plus autant d’engouement qu’à ses débuts, plus de 97 millions de gens dans le monde l’ouvrent encore chaque mois, en quête d’un Pikachu ou d’un Mewtwo chromatique qui, sur l’écran, se superposent au paysage réel grâce à la réalité augmentée.
Imaginez donc toutes les données que possède Niantic, l’entreprise derrière Pokémon Go. L’appli est notoirement gourmande, requérant un accès illimité à notre localisation et notre caméra, ce qui avait tout de suite inquiété des associations de défense de la vie privée. De plus, les joueurs et joueuses sont régulièrement incités à « scanner » des espaces publics, en échange de récompenses. Résultat : des données « uniques, parce qu’elles sont prises du point de vue des piétons et qu’elles incluent des endroits inaccessibles aux voitures [sur lesquelles sont installées les caméras de Google Street View] », constate Niantic dans un billet de blogue.
En novembre dernier, Niantic a annoncé à quoi serviraient toutes ces informations : à la création d’un « Large Geospatial Model (LGM) » – un modèle d’intelligence artificielle qui « permettra aux ordinateurs non seulement de percevoir et de comprendre les espaces physiques, mais aussi d’interagir avec eux ». Une technologie de ce type pourra aider des robots autonomes à se déplacer dans un environnement urbain, par exemple, ou servir à développer des lunettes de réalité augmentée. Mais elle pourrait aussi se retrouver au cœur des guerres de demain ! Plusieurs analystes estiment que les LGM finiront inévitablement par être utilisés par des armes automatisées. Questionné à ce sujet, un vice-président de la compagnie a assuré que « si l’utilisation est spécifique à l’armée et qu’il s’agit d’ajouter de l’amplitude à la guerre, c’est évidemment un problème ».
Dans le contexte du conflit en Palestine, Google, Amazon et Apple ont été pointés du doigt pour leurs liens avec l’armée israélienne – ces entreprises clamaient pourtant autrefois leur souci des droits de la personne. Est-ce que mon amour des Pokémons contribuera aux prochains crimes de guerre ?