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01 mai 2023
Temps de lecture : 2 minutes

En Arctique, un gigantesque embâcle de bois stocke des millions de tonnes de carbone

Un très large embâcle dans le delta du fleuve Mackenzie, en Arctique. Photo: Alicia Sendrowski

On a sous-estimé jusqu’ici la quantité de carbone emmagasinée par ces troncs d’arbres immergés.

Des scientifiques ont braqué leurs yeux sur le grand fleuve Mackenzie, qui traverse les Territoires-du-Nord-Ouest. Au bout de ses 1 738 km, le plus long fleuve du Canada se jette dans l’Océan Arctique, formant un large delta où s’accumulent les troncs d’arbres emportés par l’eau. Des millions de troncs gisent sous l’eau et sur les berges.

S’étendant sur 51 km2, ce gigantesque embâcle de bois flotté stockerait à lui seul 3,1 millions de tonnes de carbone, l’équivalent des émissions de 2,5 millions de voitures sur un an. Ces résultats ont été publiés récemment dans Geophysical Research Letters.

Une équipe de scientifiques américains et britanniques est arrivée à ce résultat en combinant les données provenant d’images satellites à celles prises sur le terrain. L’embâcle est en fait constitué de 400 000 plus petits amas de bois.

Si la communauté scientifique étudie depuis longtemps le cycle du carbone avec l’eau et les sédiments, on en sait moins sur ce qui se passe avec les troncs de bois qui flottent et se déplacent dans l’Arctique, affirme Alicia Sendrowski, auteure principale de l’étude. La chercheuse, qui terminait son doctorat à l’Université technologique du Michigan au moment de cette étude, dit avoir été surprise par la quantité observée. « Nous savions qu’il y avait du bois, car nous pouvions le voir sur les images satellites. Mais une fois sur place, nous avons réalisé qu’il y en avait beaucoup plus que prévu. » Sur le terrain, l’équipe en a profité pour mesurer les nombreux dépôts d’arbres le long du fleuve, dénombrer la quantité de bois empilé, déterminer sa porosité, etc. Ces données ont permis de connaître le volume occupé par les arbres et le convertir en quantité de carbone stocké.

Ces arbres qui sont partiellement ou complètement immergés dans l’eau se sont accumulés sur une longue période de temps pour former ce gigantesque embâcle. « Avec l’érosion, les arbres qui poussent près d’une plaine inondée ou de la berge tombent dans les rivières. La glace et la fonte des neiges peuvent aussi amener les troncs dans les rivières », explique Alicia Sendrowski en entrevue téléphonique. Elle souligne que le fleuve Mackenzie sillonne un vaste territoire et recueille ainsi tous les troncs d’arbres qui se retrouvent ensuite dans le delta.

Photo d’un embâcle prise par un drone. On y voit la chercheuse Alicia Sendrowski. Photo: Natalie Kramer.

En récoltant des échantillons, les scientifiques estiment avec la datation au carbone 14 qu’un peu moins de la moitié (40%) de ces arbres auraient poussé vers 1955. Alicia Sendrowski note que de vieux arbres sont préservés depuis très longtemps dans ces conditions : les plus âgés dateraient de l’an 690.

Le rôle des arbres dans le cycle du carbone

Gisement de bois situé dans la partie nord du delta. Photo: Alicia Sendrowski

Grâce à la photosynthèse, les arbres captent et emprisonnent le CO2 de l’atmosphère. Les arbres morts relâchent habituellement des gaz à effet de serre en se décomposant. Cependant, en restant immergés, ils continuent à stocker le carbone sur une longue période. « D’une part, il s’agit d’une source de stockage de carbone qui peut être conservée longtemps à cause de la température froide en Arctique, nous dit Alicia Sendrowski. D’autre part, les embâcles peuvent contribuer à stabiliser le paysage […]. Tout cela est combiné à la création d’un habitat pour les animaux. Nous avons d’ailleurs entendu beaucoup de castors dans les environs », remarque la chercheuse, maintenant rattachée à l’Université d’État du Colorado.

Le groupe américano-britannique reste cependant aux aguets : l’Arctique se transforme à grande vitesse sous le coup des changements climatiques. « On s’attend à ce que l’Arctique se réchauffe et que cela conduise au dégel du pergélisol et une érosion accrue. L’échelle de temps de préservation des arbres va probablement diminuer, de sorte qu’ils pourraient se dégrader plus rapidement, ce qui se traduirait par des émissions de carbone plus importantes », soulève la chercheuse.

D’autres deltas arctiques pourraient présenter la même dynamique que celui du fleuve Mackenzie, selon Alicia Sendrowski, « mais nous ne les connaissons pas puisque personne n’a encore étudié le bois dans ces systèmes. »

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