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Des dizaines de milliers de personnes sont attendues à ce grand rassemblement climatique qui a lieu du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Voici trois principaux enjeux qui y seront discutés.
1. Le bulletin climatique mondial
L’un des moments clés à surveiller pendant la COP 28 sera le dépôt du premier bilan mondial (global stocktake) des progrès réalisés depuis l’Accord de Paris adopté en 2015. Cette évaluation mesure la performance des pays en matière de réductions des émissions de carbone, d’adaptation aux changements climatiques, de mobilisation des ressources financières, de mise en œuvre de technologies permettant aux pays en développement de faire face à la crise climatique… Bref, le bilan mondial mesure l’écart entre les engagements pris par les États jusqu’à présent et ce qui est nécessaire pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris. « Le bilan mondial raconte les réussites et le chemin parcouru en matière d’action climatique, mais aussi les lacunes depuis les dernières années », résume Jeffrey Qi, conseiller politique au sein du programme de résilience de l’Institut international du développement durable (IIDD), un groupe de réflexion.
« On a observé des progrès significatifs dans la réduction des émissions de carbone, la mitigation des impacts des changements climatiques et la diminution de la vulnérabilité de certaines communautés. Mais c’est aussi très clair que nous ne sommes pas encore sur la bonne voie [pour atteindre les objectifs fixés] », a ajouté Jeffrey Qi, pendant une conférence organisée par l’Université de la Colombie-Britannique (UBC).
2. La fin des combustibles fossiles?
L’autre enjeu principal qui risque de faire beaucoup de bruit à la COP concerne la sortie complète des énergies fossiles, selon Anne-Céline Guyon, analyste climat et énergie pour Nature Québec. « À la fois le GIEC et l’Agence internationale de l’énergie le disent : il faut garder les énergies fossiles dans le sol si l’on veut respecter les engagements de l’Accord de Paris. Il n’y a plus de place pour le développement de nouveaux projets [dans ce secteur] », clame-t-elle.
Mais la fin complète des énergies fossiles ne semble pas près de se produire, selon les spécialistes interrogés pour cet article. « Le débat portera probablement sur la réduction ou le maintien de l’utilisation des énergies fossiles », anticipe Simon Donner, professeur au département de géographie et à l’Institut des ressources, de l’environnement et de la durabilité à l’UBC. Cela signifie que les pays pourraient continuer à exploiter ces ressources énergétiques à condition qu’elles soient associées à la capture ou à la séquestration du carbone. Quels pays sont susceptibles de prôner la réduction ou le maintien des énergies fossiles plutôt que leur abandon complet? Simon Donner évoque les pays du Moyen-Orient, qui vont probablement plaider pour la réduction progressive des combustibles fossiles ou pour la production avec un système de captage du carbone. « Il sera aussi intéressant de surveiller la position du Canada sur cette question », ajoute-t-il.
Mais continuer à extraire et produire des combustibles fossiles, même si c’est de manière « plus propre », c’est faire faire fausse route, dit Anne-Céline Guyon de Nature Québec. « Même si l’on diminue ces émissions à la production, on s’occupe seulement d’une infime partie du problème. La grande majorité des émissions se fait à la consommation. » Elle insiste sur la nécessité de mettre fin à l’exploitation des énergies fossiles.
La Chine et l’Inde pourraient surprendre et faire preuve de leadership dans ce dossier. Puisque ces pays n’ont pas facilement accès au pétrole et au gaz naturel, ils ont un intérêt à opérer une transition énergétique.
Capture et stockage du carbone, une fausse bonne idée
Les technologies qui permettent de capturer et de stocker les gaz à effet de serre à grande échelle sont coûteuses et inefficaces, estime la climatologue Katharine Hayhoe, scientifique en chef de The Nature Conservancy et professeure à la Texas Tech University. Elle illustre ce problème environnemental en le comparant à une piscine qui déborde : on peut réduire le niveau d’eau en perçant un trou dans la piscine, mais ce n’est qu’une solution superficielle. La véritable solution est de fermer le robinet, c’est-à-dire réduire nos émissions gaz à effet de serre.
3. Le financement climatique
Les discussions à propos du financement pour la lutte aux changements climatiques seront aussi à surveiller pendant la COP 28. Les catastrophes naturelles extrêmes de la dernière année rappellent que le climat a drastiquement changé depuis les dernières années.
L’an dernier, lors de la COP à Charm El-Cheikh en Égypte, les pays s’étaient entendus pour créer un fonds pour les pertes et dommages. « Ça a été un des grands succès de cette COP d’accepter de créer un fonds pour les pertes et les dommages vécus par les pays les plus vulnérables aux impacts des changements climatiques », rappelle Annie Chaloux, professeure agrégée à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. On parle de pertes et dommages pour un pays lorsque celui vit les effets négatifs et permanents des changements climatiques. Par exemple, l’élévation du niveau de la mer qui submerge le territoire d’un pays.
« Mais il reste à négocier toute la mécanique. Comment fonctionnera le fonds? C’est un enjeu très important à surveiller », souligne Annie Chaloux. Plusieurs points restent à déterminer. Quels pays devront contribuer à ce fonds? Ou encore, quels pays pourront bénéficier de ce financement et sur la base de quels critères? Les pays en développement jugent qu’ils auraient besoin d’au moins 100 milliards de dollars d’ici à 2030.
Ce qui fait aussi jaser à la COP 28
L’hôte pétrolier
Cela semble contradictoire : les Émirats arabes unis, un pays producteur de pétrole, accueillent l’événement. Et celui qui le préside, le sultan Ahmed al-Jaber, dirige aussi un des plus grands producteurs d’or noir. « D’une part, effectivement, c’est paradoxal. Mais le fait que la COP 28 se déroule là fait en sorte que les Émirats arabes unis doivent être à la table des négociations. Le secteur énergétique pétrogazier est le principal responsable des changements climatiques. C’est donc eux qui sont aussi les mieux placés pour porter un regard sur leurs pratiques et voir comment ils peuvent les transformer », explique Annie Chaloux. Toutefois, selon la professeure de l’Université de Sherbrooke, les Émirats arabes unis pourraient aussi se servir de cette occasion pour retarder les négociations.
Des enquêtes journalistiques ont d’ailleurs révélé quelques jours avant le début de la COP que le pays-hôte s’était servi de diverses rencontres préparatoires pour négocier des projets d’investissements pétroliers avec d’autres pays, incluant le Canada.
Les attentes envers la COP 28
Il est hasardeux de prédire les succès et les échecs de la COP. Cependant, Annie Chaloux considère que les dernières COP ont marqué des jalons importants.
De son côté, Jeffrey Qi remarque que les tensions géopolitiques pourraient avoir une influence. « Dans l’histoire des COP, nous n’avons pas eu autant de tensions géopolitiques en même temps : la guerre Russie et Ukraine, la guerre du Hamas et Israël. Cela jouera un rôle majeur dans les négociations, même si ce n’est pas directement lié à l’environnement ou au changement climatique. »