Photo: IRDA
Coccinelles, papillons, fourmis, sauterelles, libellules… Il suffit d’être un peu curieux pour remarquer l’incroyable diversité des insectes : plus d’un million d’espèces ! Le travail des entomologistes est de les étudier.
Ravageurs de cultures, vecteurs de maladies, destructeurs de forêts, indices dans une enquête judiciaire, peu importe leurs implications, les insectes sont observés sous toutes les coutures : physiologie, mode de vie, interactions avec l’environnement. Les entomologistes se déplacent sur le terrain afin d’examiner les lieux et recueillir des spécimens. Ils mènent ensuite des expériences et des analyses en laboratoire puis proposent des solutions adaptées.
Annabelle Firlej, entomologiste
Annabelle a rejoint en 2011 l’équipe du laboratoire de production fruitière intégrée de l’Institut de Recherche et de Développement en Agroenvironnement (IRDA), à Saint-Bruno-de-Montarville. Elle travaille sur des moyens de lutte contre les insectes qui ravagent les cultures de petits fruits, de canneberges et de pommes. Elle est passée de professionnelle de recherche, à chercheuse, puis à directrice adjointe.
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Entrevue
Entrevue avec Annabelle
D’où te vient cette passion pour les insectes ?
Pendant mon baccalauréat en biologie, j’ai travaillé sur des parasitoïdes dans le cadre d’un stage d’été dans un laboratoire de l’université. Ce sont des insectes qui pondent leurs œufs sur (ou dans) d’autres insectes pour que leurs larves s’en nourrissent. C’est à ce moment-là que j’ai attrapé la piqûre pour l’entomologie !

Annabelle Firlej, entomologiste (Photo: IRDA)
Quels ravageurs étudies-tu ?
Toutes les espèces, selon les problématiques. De nombreux papillons, par exemple, dévastent les cultures de pommiers. De petites mouches, elles, s’attaquent aux canneberges. En ce moment, la bibitte qui retient notre attention est la drosophile à ailes tachetées. Cet insecte fait d’énormes ravages sur les bleuets, les framboises, les mûres et les fraises, pas seulement au Québec, mais aussi aux États-Unis et en Europe.
Qu’apprécies-tu le plus dans ton métier ?
Monter de nouveaux projets ! Les agronomes ou les producteurs viennent nous voir avec des problèmes concrets. Il faut alors chercher des financements, trouver des solutions, consulter la littérature sur le sujet et constituer des équipes de travail. C’est excitant !
Ce que tu aimes le moins ?
La compétition. Il faut faire passer nos projets avant ceux des autres pour obtenir des subventions. C’est parfois crève-cœur.
Une anecdote à nous raconter ?
L’outil indispensable de tout entomologiste est l’aspirateur à bouche. Il est constitué d’un embout pour aspirer l’insecte dans lequel une petite mousseline nous empêche de l’avaler. Pendant mon doctorat, je me suis retrouvée une dizaine de fois avec une coccinelle dans la bouche : j’utilisais sans cesse l’aspirateur à l’envers !
Le nombre d’insectes ravageurs augmente-t-il ?
Oui, j’ai cette impression-là. Ils sont plus nombreux et plus diversifiés. L’introduction est facilitée par les commerces mondiaux et les multiples voix de transport, sans compter le réchauffement du climat. Les pesticides utilisés maintenant sont plus spécialisés, dirigés vers certaines espèces. Ainsi, lorsqu’un ravageur est éliminé, il y en a souvent un autre pour prendre sa place.
Quels moyens existe-t-il pour lutter contre les ravageurs ?
On peut combattre les insectes avec d’autres organismes vivants. Le puceron du soya, par exemple, est attaqué par un parasite dans sa région d’origine. L’idée est d’introduire ce parasite de façon contrôlée dans les cultures pour éradiquer les populations de pucerons. Chez les mouches à fruits, on stérilise les mâles adultes par irradiation. Relâchés ensuite, ils s’accouplent avec les femelles sauvages, ce qui aboutit à des œufs stériles. Il n’est pas toujours possible de supprimer totalement l’utilisation des pesticides. Il faut y aller progressivement.
Quelles analyses réalises-tu en laboratoire ?
Des analyses moléculaires pour identifier une espèce. Il m’arrive aussi de faire des analyses comportementales, par exemple pour vérifier si le comportement des insectes comme l’accouplement, la prédation ou le parasitisme suit bien nos hypothèses.
Comment captures-tu les insectes ?
Il existe plusieurs méthodes. Pour les papillons j’utilise des pièges à phéromones : les papillons mâles sont attirés par ces parfums et tombent dans une boîte qui contient un insecticide. Les pièges collants sont également efficaces; selon leur couleur, ils attirent certaines espèces d’insectes plus que d’autres. Le battage consiste à étendre un grand drap blanc sous un arbre et à taper sur les branches pour en faire tomber les insectes. Il m’arrive aussi d’utiliser des filets.
Quelles sont les qualités nécessaires pour devenir entomologiste ?
La passion pour les insectes est indispensable. Il faut aussi être ouvert d’esprit et patient, c’est vraiment important.
Journée type
Une journée dans la vie d’Annabelle
Mars, les beaux jours commencent à pointer le bout de leur nez. 8 h 30, Annabelle arrive à l’IRDA. La journée débute par la traditionnelle réunion d’équipe qui réunit chercheurs, chercheuses, assistants de recherche et étudiants.
Trois ans auparavant, des agronomes sont venus pour la première fois parler à la chercheuse de cultures de bleuets ravagés par des insectes. Après avoir recueilli plusieurs témoignages et évalué l’ampleur du problème, la chercheuse identifie le coupable : une drosophile à ailes tachetées.

Photo: IRDA
Avant que les producteurs ne tentent de régler le problème à coup d’insecticides, l’entomologiste doit réagir. Annabelle a obtenu le financement et le feu vert pour commencer le projet.
L’équipe a opté pour une solution consistant à recouvrir complètement les cultures de bleuets d’un filet avant que les drosophiles n’arrivent dans la parcelle. Elle pourra ainsi réduire à zéro l’utilisation des pesticides. Il faut néanmoins veiller à ce que l’on n’enferme pas d’autres ravageurs dans le filet, et qu’il ne modifie pas la luminosité ou la température.
La scientifique prend la route vers les fermes, elle peut en visiter jusqu’à six dans une même journée. Elle plante également des parcelles expérimentales à l’Institut pour mener ces expériences, même s’il est préférable d’être directement chez le producteur pour être confrontée à la réalité.
Lorsque l’hiver se fait sentir, il est temps d’analyser les échantillons prélevés en été. Annabelle doit aussi s’occuper des élevages d’insectes. Et c’est le moment de préparer des présentations en vue d’un prochain congrès. C’est aussi une grande part du travail de la chercheuse de partager ses résultats à la communauté scientifique.
Études
Le parcours académique d’Annabelle
Annabelle a obtenu un baccalauréat en biologie des organismes et une maîtrise des Populations et des Écosystèmes à Rennes (France). Ensuite, déménagée au Québec, elle a obtenu une autre maîtrise en biologie à l’Université de Québec à Montréal, où elle a poursuivi avec un doctorat, puis un postdoctorat, toujours en recherche sur les insectes.
Ses recherches ont d’abord porté sur la coccinelle asiatique: elle a tenté de comprendre pourquoi ses ennemis naturels n’arrivaient pas à l’attaquer. Annabelle a ensuite développé une méthode en biologie moléculaire pour améliorer le contrôle biologique d’un puceron qui s’attaque aux cultures de soya. Elle a aussi étudié les impacts des changements climatiques sur le développement des pucerons.
Au Cégep:
– DEC technique de santé animale. Cette formation est offerte aux cégeps de La Pocatière, de Saint-Félicien, de Sherbrooke, de Saint-Hyacinthe et aux collèges Laflèche et Lionel-Groulx.
– DEC techniques de laboratoire. Cette formation est offerte aux Cégeps de Lévis-Lauzon et de Saint-Hyacinthe.
– DEC Gestion et technologies d’entreprise agricole, à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ, à La Pocatière et Saint-Hyacinthe), aux collèges d’Alma et Lionel-Groulx, aux cégeps de Sherbrooke, de Lanaudière, de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Victoriaville.
Programme DEC/BAC
Par ce programme passerelle, il est possible de compléter d’abord une technique au collégial, puis de faire reconnaître une partie des acquis dans le cadre d’un programme de baccalauréat à l’université. Les études se font alors en 5 ans au lieu de 6.
À l’université :
Un baccalauréat en :
– Agronomie à l’Université Laval (Québec)
– Agricultural Science à l’Université McGill (Montréal)
– Biologie, biologie moléculaire et cellulaire, écologie ou toutes autres disciplines connexes, dans la plupart des universités québécoises.
Une maîtrise :
– En agronomie, biologie, écologie ou autres disciplines connexes.
Pour être entomologiste, il faut se spécialiser en réalisant des stages dans ce domaine. Selon le secteur visé, un doctorat et un postdoctorat dans le domaine peuvent être requis.
Et après ?
Des entreprises dans le secteur privé et public du domaine de la médecine, de l’agriculture, de la foresterie et de la conservation peuvent faire appel à des entomologistes.
L’entomologiste peut travailler au sein d’instituts recherches, de centres de recherche universitaire, de grands parcs, de musées, de services gouvernementaux fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux, de sociétés de consultation en environnement, d’organismes de lutte contre les insectes et contre les maladies.