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22 mars 2024
Temps de lecture : 3 minutes

L’accès à l’eau, source de conflits

Image: Pixabay

La situation est préoccupante : selon le dernier rapport annuel des Nations unies sur l’eau, 2,2 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable. Et le nombre de conflits liés à cette ressource augmente.

D’après le tout dernier Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, près de la moitié de la population mondiale a connu de sévères pénuries d’eau en 2022 et un quart a fait face à un stress hydrique extrême, survenant lorsque plus de 80% de la quantité totale des ressources renouvelables en eau douce sont utilisées.

Les pénuries d’eau engendrent des conditions de vie précaire, conduisent à des migrations forcées et des conflits. Les femmes et les filles en sont souvent les premières victimes, elles qui portent le poids des responsabilités domestiques et de l’approvisionnement en eau.

Nous en avons discuté avec Peter Gleick, scientifique américain spécialisé en environnement. Il travaille au Pacific Institute, en Californie, et est auteur du livre The Three Ages of Water (PublicAffairs/Hachette 2023), dans lequel il aborde l’histoire de notre relation avec cette précieuse ressource.

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Québec Science Vous avez recensé plus de 1 630 conflits liés à l’eau à travers le monde dans les 4000 dernières années, allant des bombardements de centrales hydroélectriques ou d’aqueducs aux rébellions citoyennes pour l’accès à cette ressource vitale. Quel est le bilan?

Peter Gleick Le nombre de conflits violents liés aux ressources en eau a considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies. Dans la chronologie des conflits liés à l’eau du Pacific Institute, nous suivons trois catégories de violences : l’eau en tant que « déclencheur » de conflit, l’eau ou les systèmes hydriques en tant qu’ «armes » utilisées dans les conflits [empoisonnement des sources d’eau ou inondations de territoires ennemis, par exemple], et l’eau ou les systèmes hydriques en tant que « victimes » d’un conflit. Malheureusement, nous avons constaté des augmentations dans toutes ces catégories.

QS La guerre entre l’Ukraine et la Russie a donné lieu à des attaques contre les infrastructures d’eau. Pourquoi sont-elles visées?

PG Dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les infrastructures hydrauliques ont été largement et régulièrement attaquées, en particulier les barrages qui fournissent de l’énergie ou de l’eau et les systèmes de traitement et d’acheminement des eaux urbaines, y compris les stations d’épuration et les pipelines. L’attaque la plus spectaculaire a été la destruction du barrage de Kakhovka sur la rivière Dnipro, l’un des plus grands barrages et réservoirs d’Europe, en juin 2023, vraisemblablement par les Russes qui contrôlaient le barrage.

Je ne peux pas spéculer sur les motifs, mais les attaques contre les infrastructures civiles, y compris explicitement les systèmes d’approvisionnement en eau, sont interdites par les lois humanitaires internationales, dont les protocoles de 1977 additionnels aux Conventions de Genève.

QS Quelle région du monde est la plus touchée par ce type de conflits?

PG La violence liée à l’eau n’épargne aucune région. Mais les régions les plus touchées sont celles où l’eau est rare, mal gérée, fortement contestée ou dans lesquelles les institutions chargées de la gestion de l’eau et de la diplomatie de l’eau sont faibles. Historiquement, la violence liée à l’eau s’est toujours produite au Moyen-Orient, mais nous constatons aujourd’hui une augmentation de la violence dans certaines parties de l’Afrique et de l’Asie du Sud.

QS Pourquoi croyez-vous que cette recension des conflits liés à l’eau est nécessaire?

PG La mission du Pacific Institute est de comprendre la nature des crises de l’eau et de développer des stratégies pour les aborder et les résoudre. Les conflits liés à l’eau sont l’une des manifestations des défis mondiaux liés à l’eau et nous explorons depuis longtemps les liens entre les questions environnementales et la paix et la sécurité. Il y a plusieurs années, il est apparu qu’il serait utile de disposer d’une base de données répertoriant les violences liées à l’eau, afin de comprendre les causes de ces violences et d’identifier les moyens de les réduire.

QS Selon vous, existe-t-il un pays qui gère convenablement ses ressources en eau et qui serait un bon exemple à suivre pour les autres nations?

PG Il existe de nombreuses stratégies pour évoluer vers un avenir plus durable pour l’eau. Je décris la longue histoire qui lie les humains à l’eau dans mon livre, The Three Ages of Water, et je détaille des exemples de changements récents innovants, efficaces et positifs, notamment aux États-Unis, à Singapour, en Israël, dans certaines régions d’Afrique et ailleurs. Je pense qu’aucun pays n’est encore totalement engagé sur la voie de la durabilité de l’eau, mais les éléments de cet avenir positif existent et doivent être mis en lumière, décrits, financés et transposés à plus grande échelle.

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