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26 janvier 2023
Temps de lecture : 3 minutes

Des cours d’eau pollués par l’exploitation minière illégale

Depuis 2020, les activités minières illégales se sont accrues sur la rivière Jamanxim, au Brésil. Photo: Ibama/Wikimedia Commons

Les fleuves et les rivières des régions tropicales sont perturbés par l’exploitation minière illégale.

Des métaux précieux comme l’or et l’argent se retrouvent emprisonnés sous forme de sédiments au fond de certains grands cours d’eau. Des lois et règlements encadrent l’exploitation alluviale au Canada pour protéger l’environnement, mais le portrait est tout autre dans certains pays.

Selon une équipe américaine qui a présenté ses résultats dans une étude en prépublication, il y a eu une hausse marquée des rivières exploitées illégalement depuis les vingt dernières années (exploitées de façon artisanale ou industrielle). Le problème est surtout concentré dans les régions tropicales. Si plusieurs études s’étaient déjà penchées sur cette pollution à l’échelle locale ou régionale, ce serait la première fois que l’on documente le phénomène à l’échelle mondiale.

Les scientifiques ont examiné des images satellites et aériennes couvrant une période de 37 ans, sur lesquelles ils ont identifié 173 rivières ou fleuves affectés par l’exploitation minière. Le brassage des sédiments rend les eaux boueuses, ce qui est détectable du haut des airs. En comparant les données satellites sur plusieurs années, les chercheurs et chercheuses ont ainsi pu voir la progression et l’étendue de l’activité minière de plusieurs régions.

Les opérations minières ont été observées dans 49 pays et affectent 173 cours d’eau. C’est en Indonésie, au Myanmar, en République démocratique du Congo et en Colombie que l’on a dénombré le plus de sites miniers.

Les conséquences environnementales et humaines

Les cours d’eau où sont situés les sites miniers « présentent des concentrations de sédiments en suspension deux fois supérieures au niveau d’avant l’exploitation », d’après l’étude américaine, avec comme conséquence une eau turbide qui provoque une hausse de la mortalité chez les animaux et les plantes qui y vivent.

Récemment, le rio Tapajós, une grande rivière du Brésil auparavant reconnue pour ses eaux claires, s’est considérablement brouillé. Selon les autorités brésiliennes, la détérioration du cours d’eau a été causée par l’extraction minière illégale qui a commencé vers 2019, période à laquelle le prix de l’or est parti à la hausse. Depuis, les mineurs illégaux auraient déversé sept millions de tonnes de sédiments annuellement dans la rivière, un des affluents de l’Amazone.

Selon un rapport de 2019 de l’Organisation internationale du Travail, « au Burkina Faso et au Niger, quelque 30 à 50 % de la main-d’œuvre des mines d’or est composée d’enfants ; la plupart d’entre eux ont moins de 15 ans et certains sont victimes de travail forcé. »

La pauvreté inciterait les travailleurs à se tourner vers l’exploitation illégale minière.

Un autre important problème soulevé est la dispersion de métaux toxiques dans l’environnement. On utilise des métaux (comme le cyanure et le mercure) pour extraire les métaux précieux. Une étude publiée en 2021 dans Chemistry Africa a mesuré la distribution de substances toxiques – provenant des activités illégales de l’extraction de l’or sur le fleuve Pra, au Ghana – sur les terres agricoles. On y a trouvé des « niveaux élevés d’éléments radioactifs naturels, de mercure et d’arsenic. »

Parmi les autres contrecoups environnementaux dus à l’exploitation minière des cours d’eau, on mentionne la déforestation, la dégradation de l’eau potable et les répercussions sur la santé des travailleurs qui sont en contact avec les produits chimiques.

L’exploitation des métaux, aussi précieux soient-ils, a un coût écologique désastreux.

Les chercheurs d’or de l’Afrique de l’Ouest

L’orpaillage, une activité pratiquée depuis des millénaires, était si répandu en Afrique de l’Ouest que la région était reconnue comme le principal fournisseur d’or dans le monde entre le 4e et le 15e siècle, selon Marame Ngom, doctorante en sciences de la terre à l’Université Cheikh Anta Diop, au Sénégal. La jeune chercheuse a mis au point une application permettant aux gouvernements de surveiller, grâce aux données satellite, l’activité minière artisanale en plein essor. Elle a présenté son étude lors de la Conférence mondiale des journalistes scientifiques francophones qui s’est tenue à Dakar en octobre dernier. Les images satellite permettent entre autres de voir les changements de couleur des rivières aux abords des sites miniers; et l’application détecte automatiquement les nouvelles activités.

« Il existe 198 gisements aurifères en Afrique de l’Ouest, et la pression s’accentue car les gisements commencent à s’épuiser en Chine, en Australie, au Canada », a expliqué Marame Ngom.

Aujourd’hui, l’Afrique de l’Ouest produit plus de 200 tonnes d’or par an de façon industrielle (sur les 3 200 tonnes extraites chaque année dans le monde).

En parallèle de l’exploitation industrielle, des milliers de mines artisanales aurifères se sont développées. Avec leur lot de problèmes : le recours à de nombreux enfants dans les mines, les accidents et la pollution engendrée par l’exploitation minière. Les sites sont en piteux état : les sols sont contaminés et ne peuvent plus être utilisés à d’autres fins. De plus, le cyanure et le mercure, qui servent à extraire l’or, polluent les eaux souterraines et de surface, contaminant la chaîne alimentaire.

– Marine Corniou

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