Deux chercheurs de l’Université du Québec à Rimouski (Clément Chevallier et Dominique Berteaux) sur l’île Bylot, au Nunavut. Photo: Marie-Pier Poulin
Le comportement des animaux de l’Arctique se modifie en réaction au réchauffement climatique. C’est ce qui ressort d’un rapport publié dans Science rassemblant des millions de données sur la localisation de ces animaux.
La planète se réchauffe et cela affecte particulièrement la région de l’Arctique. Depuis 1970, la température a augmenté d’environ 2,3 °C, menant à une fonte précoce de la neige et de la glace au printemps. Les biologistes, qui sont aux premières loges des effets de cette hausse sur les animaux, ont traqué les parcours migratoires en Arctique. C’est ainsi qu’ils ont regroupé dans une base de données les mouvements de 96 espèces terrestres et marines, de 1991 jusqu’à aujourd’hui, obtenant du même coup un portrait à long terme et sur une grande échelle. L’imposant groupe international a rassemblé ces données provenant de plusieurs études en un seul endroit dans The Arctic Animal Movement Archive (AAMA). L’initiative est décrite en détail dans le rapport publié dans Science.
«On a rendu publiques les données provenant d’au moins 200 études sur les mouvements des animaux dans l’Arctique», explique Dominique Berteaux, chercheur à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et contributeur de ce nouveau rapport.
Le biologiste de l’UQAR a fourni des données sur le renard arctique, un animal qu’il suit depuis plusieurs années à l’aide de capteurs. «Grâce aux nouvelles technologies pour suivre les animaux, on a réussi à bien comprendre comment les renards arctiques utilisent la banquise. Mais la durée pendant laquelle la banquise est présente est de moins en moins grande. On est encore au stade de récolter de l’information, mais on s’attend à percevoir des effets de la fonte de la banquise», explique Dominique Berteaux, qui ne peut malheureusement pas se rendre au Nunavut pour récupérer ses données à cause de la pandémie.
Des comportements modifiés
La base de données AAMA a déjà permis de réaliser trois études, parues en même temps que le rapport. Elles montrent que les aigles royaux, les ours, les caribous et les loups modifient leurs comportements en réponse aux tendances climatiques. On y parle de migration et de naissances plus tôt dans la saison ou encore de distance parcourue plus longue pour trouver de la nourriture pour certains herbivores.
L’une des trois études arrive à la conclusion que chez le caribou migrateur de l’Arctique, les femelles donnent naissance aux petits beaucoup plus tôt au printemps que chez les caribous plus au sud. Ces naissances devancées coïncident avec un printemps plus hâtif dans la région.
«Il est peut-être préférable pour les femelles de mettre bas plus tôt, car les jeunes ont davantage le temps de se développer pendant l’été», a déclaré l’un des auteurs, Elie Gurarie, de l’Université du Maryland. Par contre, une naissance précoce est risquée pour la survie des petits, surtout à une période où les changements de températures peuvent être drastiques.
Le chercheur indique qu’il n’aurait pas soupçonné ces tendances sans la mise en commun des données portant sur 900 femelles.

Pour suivre leurs déplacements, les renards portent des colliers comme sur cette image. Photo: Dominique Berteaux
Tandis que des espèces de l’Arctique voient leur mode de vie affecté, le renard roux, lui, ne s’empêche pas de viser ce territoire. On le retrouve maintenant jusque dans le nord du Canada, où il rivalise avec le renard arctique pour les mêmes ressources. Si cela est en partie dû au réchauffement climatique, Dominique Berteaux explique que les jeunes renards ont toujours eu une nature aventureuse. «Au courant du 20e siècle, les jeunes renards roux qui allaient vers le nord avaient plus de chances de survivre et de se reproduire. Ils ont eu accès à de plus en plus de nourriture laissée par les humains.»
Le chercheur mentionne que les renards roux ont complètement éliminé les renards arctiques à certains endroits, dont en Europe, mais pas au Canada. «Le renard arctique est en grand danger en Scandinavie. C’est une des espèces les plus proches de l’extinction. Ici, le climat est quand même rigoureux dans l’Arctique et la population de renards roux reste à des densités assez faibles.», explique M. Berteaux.