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Des quantités astronomiques de fils, filets, casiers de pêche et hameçons sont perdues ou abandonnées dans les océans, selon une nouvelle étude.
Les chiffres semblent démesurés. Dans une étude publiée dans la revue Science Advances, des scientifiques australiens évaluent pour la première fois qu’à l’échelle mondiale, « 2 963 km2 de filets maillants, 75 049 km2 de sennes coulissantes, 218 km2 de chaluts, 739 583 km de lignes principales et de palangres et plus de 25 millions de casiers et de pièges sont perdus chaque année dans l’océan. » Le groupe de chercheurs et chercheuses en est arrivé à ces estimations vertigineuses après avoir réalisé plus de 400 entrevues avec des pêcheurs provenant des États-Unis, du Bélize, du Pérou, d’Islande, du Maroc, d’Indonésie et de Nouvelle-Zélande. Appelés également engins de pêche fantômes, ceux-ci « constituent jusqu’à 70 % de tous les macroplastiques présents dans l’océan en poids. »
Et chez nous? Depuis 2018, les pêcheurs qui naviguent dans le golfe du Saint-Laurent doivent obligatoirement déclarer tout engin de pêche perdu, abandonné ou rejeté à Pêches et Océans Canada. Cette mesure s’est étendue à l’ensemble du Canada l’année suivante. Ces informations – date de la perte, coordonnées de géolocalisation, type d’équipement – sont rassemblées dans une base de données gérée par le gouvernement.
D’après Marina Petrovic, directrice adjointe à la gestion des ressources – programmes nationaux à Pêches et Océans Canada, la majorité des engins sont perdus en raison de la météo. « Dans 80% des cas rapportés, les mauvaises conditions météorologiques, comme de violentes tempêtes ou de fortes marées, sont à l’origine de la perte des engins de pêche », précise-t-elle. Par exemple, lorsque la tempête Fiona a sévi en septembre sur les provinces de l’Atlantique, on estime qu’il y aurait eu des milliers de casiers à homards perdus, dont environ 1 000 ont été récupérés depuis.
Réduire la quantité d’engins fantômes
Ces objets qui traînent dans l’eau représentent un risque pour l’écosystème marin. L’exemple le plus frappant est celui des baleines noires de l’Atlantique qui s’empêtrent fréquemment dans des engins de pêche.
« Ces engins sont peut-être là depuis des décennies, bien avant que l’on réalise leur impact sur les écosystèmes, les espèces en péril et les habitats sensibles », souligne Marina Petrovic. « De plus, beaucoup de morceaux de plastique sont ensuite dégradés en microplastiques. C’est pourquoi il est important de les récupérer autant que possible », ajoute-t-elle.
En 2021, un nouveau programme fédéral, le Fonds pour les engins fantômes, a été mis sur pied pour diminuer le nombre d’engins de pêche dans les océans. Les experts développent différentes méthodes de récupération, en particulier dans le golfe du Saint-Laurent. « Il faut d’abord arriver à localiser précisément l’engin de pêche et une fois que l’on obtient sa position géographique, on peut aller le ramasser et le retirer de l’eau avec nos équipements », explique Jérôme Laurent, chercheur industriel à Merinov, un centre de transfert technologique situé à Gaspé, qui se spécialise notamment dans les technologies des pêches et qui a obtenu du financement de Pêches et Océans Canada pour réaliser ce genre de travaux.
L’équipe s’attarde plus particulièrement à la récupération des casiers utilisés pour la pêche au crabe des neiges, qui mesurent environ 1 mètre de hauteur et jusqu’à 2 mètres de diamètre. Pour ce faire, un sonar, un appareil qui recourt au son pour détecter les objets sous l’eau, scrute le fond à une profondeur située entre 50 à 120 mètres. Les données sont ensuite analysées par des algorithmes de reconnaissance automatique qui seront en mesure de dévoiler la présence éventuelle de casiers.
Si un casier est détecté, il est récupéré à l’aide d’une sorte de guirlande composée de grappins (de petites ancres) qui s’y accrocheront. Merinov expérimente aussi un robot autonome sous-marin équipé d’un sonar qui pourrait ratisser la zone et ramasser l’objet. Selon l’état de l’engin repêché, il est soit retourné au propriétaire (une étiquette est attachée aux casiers, pour identification) soit trié à des fins de récupération.
En date d’avril 2022, selon le site de Pêches et Océans Canada, « 7 342 unités d’engins ont été récupérées dans les eaux canadiennes, pour un poids total de 1 295 tonnes, l’équivalent du poids d’un navire de la Garde côtière. » On indique que 153 km de cordage ont également été repêchés. Tous ces objets ont été récupérés par les pêcheurs eux-mêmes ou par différents organismes partenaires à travers le Canada.
Notons qu’il n’y a pas que des engins de pêche qui sont ramenés vers la surface. Des réfrigérateurs, des paniers d’épicerie ou encore des pièces de moteur de bateau ont été retirés du fond de l’eau… Autant d’objets qui n’ont pas été comptabilisés dans l’étude australienne!